Honey, you're the sea | LIBRE

Je me protège le visage avec mes mains alors que le bois secs s’embrase. L’air est frais, limite froid. Les vagues me bercent doucement. Je sais pertinemment qu’on ne peut faire de feu sur une plage mais à l’aurore personne ne viendra se plaindre de quoi que ce soit.
Le sommeil me fuit et ça fait des heures que j’erre dans les rues de Thunder Bay. J’ai du faire un grand tour de la ville avant de me retrouver sur la plage. Les galets sont peu confortables mais le levée du soleil pèse sur l’autre côté de la balance.
Avec une lenteur digne d’un escargot, je sors une clope de ma poche et l’allume du bout de l’index. Le soleil est beau, timide. Doucement j’aperçois le ciel qui devient d’un bleu clair magnifique. Les rayons avancent paisiblement sur la surface de l’eau agitée.
C’est dans ces moments pareils qu’on ressent toute la solitude. D’abord elle vous envahit la tête, puis elle descend vers votre cœur qui se serre. Vivre seul peut être reposant, agréable, mais parfois, être entourée vous rend plus vivant.
Je secoue la tête, effaçant toutes les pensées négatives de mon esprit. Je me rapproche des flammes pour mieux ressentir la chaleur. Avec ma main droite je frôle les flammes d’un orange intense. Ma peau ne fait que rosir et ce que je ressens est indescriptible.

Après vingt minutes à m’amuser avec le feu, je décide d’aller faire une baignade. L’eau glacée me réveillera sûrement un peu. J’enlève mon blouson en cuir et déjà je sens le froid qui me picote. Une fois torse nu, une vague de chair de poule envahit la surface de mon corps de haut en bas. Mes muscles se contractent sans que je ne leur aie ordonné quoi que ce soit. Je dispose mes affaires à peu près pliés, mon jean en dessous, mon tee-shirt par-dessus, ma veste en cuir recouvrant le tout et mes chaussettes dans mes chaussures. Je sais qu’il faut y aller d’un coup.
Le contact de l’eau glaciale ne manque pas de me faire évanouir, mais quelques secondes après mon cerveau retrouve toutes ses capacités. Avec quelques brassées je me retrouve à quelques mètres du bord.
Seul. Je suis complètement seul au milieu de cette étendue d’eau qui me dépasse. Je reste dans l’eau à patauger comme un enfant pendant plus d’une demi-heure, puis quand je remarque que ma peau est violacée, recouverte de tâches plus ou moins foncées, je décide de sortir. J’attends dix bonnes minutes, à grelotter comme un vrai imbécile, que ma peau sèche un peu. Mais au bout d’un moment je ne supporte plus le vent qui me caresse la totalité de mon corps. Je me rhabille avant d’avoir pu dire « ouf » et me colle contre le feu, rapprochant mes genoux contre ma poitrine. Je me demande profondément pour je suis allée me baigner. Même si ça a l’air d’être une bonne journée, le Canada n’est vraiment pas la bonne destination pour faire trempette. J’ai limite envie de me gifler devant l’étendu de ma stupidité, mais je tremble bien trop.
J’enflamme d’abord mes doigts, puis ma main entière. J’ai l’impression de vivre dans un comics des quatre fantastiques. Je sens alors le bout de mes membres qui se réchauffent.
Des pas. Discrets, silencieux mais audibles. Mon cœur s’emballe et j’essaye d’éteindre le feu qui lèche mes mains. Mais avec la panique je mets bien cinq bonnes secondes avant d’y arriver. Comment réagiriez-vous si vous voyez de vos propres yeux la torche humaine ?