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 Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana

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E. Andrew Seamore

E. Andrew Seamore

♠ AGE : 38
♠ COPYRIGHT : Law S/Noir Strider.
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♠ EMPLOI/LOISIRS : Étudiant en médecine, 9ème année.


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MessageSujet: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeVen 27 Avr - 0:30

[Début]
Ma tête tourne, tourne et fond dans la nuit où tantôt je régnais
Je n'y vois plus rien, rien ni personne
Et mon cœur sonne, résonne d'une vérité que toujours je reniais
De celle qui ne trompe jamais

L'innocence au bord des lèvres et l'hiver au bout des doigts, elle effleura sa main, elle saisit ses doigts, et, finalement, elle glissa sa main tremblante dans la sienne. Elle, Tatiana, cette fille un peu étrange avec qui il entretenait cette amitié un peu compliquée. Lui, Andrew, il n'avait pas réagi, il s'était laissé faire. La chaleur humaine lui avait arraché un soubresaut presque craintif, presque défensif, et il avait réprimé de justesse le réflexe dangereux qui brûlait dans sa main. Ne pas la blesser, pas encore, pas cette fois. Il se laissera faire. Il la laissera faire. Il aurait voulu s'enfuir, prendre ses jambes à son cou, rompre la jonction, perdre le contact. Il aurait voulu s'échapper de là, remonter le temps, n'importe quoi. Mais il se l'était juré — il ferait des efforts. Parce que c'est pour elle, parce que c'est la moindre des choses. Parce qu'il voulait se faire pardonner. Il paraît. Comme une vulgaire coquille vide, comme un pantin ridicule, il s'était laissé guider, traîné par la main fragile de Tatiana alors que le froid le prenait à la gorge. Sage et silencieux, il avait marché sur un chemin qu'il connaissait déjà, qu'il n'avait plus jamais pensé emprunter un jour. Comme un froid qui prend au cœur, comme une brûlure douloureuse qui ravage dans la poitrine, il avait l'air d'un petit garçon qui ne voulait pas prendre de bain, presque effrayé, presque forcé. Il ne voulait pas. Grossièrement, il aurait pu lâcher ça en tapant du pied ou avec des sanglots dans la voix. Il ne voulait pas. Il n'allait pas le supporter. Il allait craquer, il le savait. Il avait peur. Purement, simplement, il crevait littéralement de trouille. Ses jambes auraient pu céder sous lui, agressées par la crainte, blessées par le froid, achevées par la douleur latente qui jouait avec ses os et dansait avec ses muscles. Il avait peur d'avouer, il avait peur de voir la réalité, de la vérité. Il avait peur qu'elle sache, il avait peur qu'elle s'approche, qu'elle s'attache encore un peu plus. Plus encore, il avait peur de ressembler à cette ombre qu'il détestait tant, ce critère indispensable dont il ne voulait plus entendre parler. Il préférait se faire sauter le crâne que de ressembler à son père — et l'appellation était purement biologique. Le géniteur, le paternel. Pas le père, pas l'homme fort et protecteur des films à la télé, pas le type un peu maladroit, un peu jaloux, un peu dépassé. De Seamore, il n'avait que le nom. Il préférait s'en tenir à ça.

L'immeuble l'avait ramené à la réalité. Sans hésiter, si Tatiana n'avait pas été là, il se serait pris le béton dans la gueule avec toute la classe qu'il se doit. Numéro trente-trois. Troisième étage, à gauche. Gros chat roux et trop de couleurs. L'image mentale était parfaitement conservée, totalement claire, comme s'il s'y était rendu la veille même. Le souvenir cuisant de l'Invasion des Fronts Hurlants alors que Tatiana s'était lâchement endormie sur lui n'y était sûrement pas pour rien. D'un côté, il s'était bien marré tant le film était ridicule, et de l'autre, il avait été totalement paniqué de ne pas savoir comment s'en débarrasser sans la réveiller. Chassant la réminiscence, il fit un pas un peu hésitant dans l'entrée alors qu'une fourrure rousse s'empressait de se frotter allègrement à ses jambes. Waffel était certes beaucoup moins amusant que son propre chat mais en tous les cas bien moins violent. Déchaussé et déshabillé, il s'était sagement assis sur le canapé, comme évoluant dans un univers totalement parallèle, collé de force dans un espace parfaitement étranger. Il en était presque éteint, comme fatigué de lutter, comme repoussé dans ses retranchements. On avait enfin fait taire Andrew Seamore. Il essuyait une défaite cuisante sur l'humanité, simplement épuisé et, au fond, presque terrorisé. La peur grandissait dans son estomac, brûlait sa gorge, blessait son corps. Elle avait l'intention de le soigner. Inconsciemment, elle avait l'intention de savoir, de chercher, de fouiller. Consciemment, elle avait l'intention de l'aider. Il ne savait pas maîtriser ce monstre qu'il avait laissé derrière lui, cette horreur qu'il avait passé sous silence, comme attendant que ça s'estompe, comme si ça allait passer. Il ne savait pas faire face à ce qu'il avait dit oublier, ce qu'il avait raconté comme une bagatelle, ce qu'il avait effacé comme n'importe quoi. Il l'avait dit à qui voulait l'entendre, que l'accident ce n'était rien, que ce n'était que de la merde, que de la connerie, plus de peur que de mal. Tatiana avait ce don désagréable de faire brûler à vif les plaies les plus mal cicatrisées. Tatiana avait cette capacité à foutre en l'air tous ses efforts désespérés pour avoir la paix.
    — Tu sais... C'est musculaire. Mon genou, je veux dire. Il n'y a pas grand chose à faire. A part attendre...
    Mais tu n'étais pas censé avoir glissé, petit génie ?
    Il n'y a pas de plaie, je veux dire. C'est plus comme. Une entorse ? Je crois.
Il avait lâché ça sur un haussement d'épaules alors que ses doigts plongeaient entre les poils brûlants du chat qui s'étalait de tout son long sur ses jambes, comme si ce n'était pas grand chose, comme si ce n'était rien d'inquiétant. Andrew avait presque craint de devoir la regarder dans les yeux tant il savait pertinemment qu'il n'était pas capable de laisser ses yeux mentir pour lui. Plus rien ne semblait lui obéir — la douleur intarissable comme la fatigue qui se réveille, la haine profonde comme la peur panique. Il n'était plus qu'une flopée de sentiments fatigués cousus par un fil élimé, comme si toutes ses insomnies et toutes ses craintes s'étaient brutalement manifestées à l'unisson. Il se retrouvait projeté dix ans auparavant, lui, adolescent insupportable et insupporté, le cul dans un canapé et au milieu d'un appartement inconnu qu'on lui demandait de connaître comme chez lui. C'était un sentiment foutrement désagréable, le genre qui prend au cœur, le genre qui ne s'en va pas. Il avait réussi à se dépêtrer de cette impression en partant de chez lui, pourquoi revenait-elle maintenant ? Pourquoi ici, spécifiquement ? Pourquoi pas un peu plus tôt, pourquoi pas un peu plus tard ? Pourquoi pas quand il serait un peu plus seul, pourquoi pas quand il serait un peu moins vulnérable ? Parce que. Parce que. Parce qu'il ne savait plus rien contrôler. Parce que c'était l'heure de toutes les vieilles plaies ranimées. Et tout ça à cause d'elle, tout ça à cause de cette nana là qui, à trop vouloir faire bien, lui ferait presque cracher tout ses vieux démons, quitte à le tuer avec. Il pouvait toujours prétexter qu'il était épuisé, il pouvait toujours raconter qu'il était encore un peu intimidé. Il ne pourrait pas mentir éternellement. Le chat ronronnait paisiblement sur ses genoux et pourtant, il avait l'impression d'être coincé dans une salle d'interrogatoire avec son double lui, celui qui est faible, celui du passé. Il était juste coincé dans une foutue position d'infériorité. Est-ce que c'était toujours si chiant, de s'attacher à quelqu'un ? Et après, on se demandait pourquoi il fuyait ça à tout prix.
    — J'ai l'impression d'avoir pris dix ans tellement je suis à plat. Eh, t'es sûre que ton pouvoir c'est pas plutôt pomper l'énergie vitale des honnêtes gens ?
Il lança ça négligemment alors qu'il grattouillait le ventre du chat, les yeux rivés sur la bestiole immobile. C'était une phrase légère, le genre qui veut décrocher deux trois sourires, qui veut détendre un peu l'atmosphère, comme s'il espérait y trouver une porte de sortie à cet espèce de conflit étouffant qui foutait tant de bordel dans sa tête. Eh, t'es sûre que ton pouvoir c'est pas plutôt réveiller toutes les saloperies qui ont été enfouies ?
    — Bon après, il y a moyen que ça soit un peu de ma faute. Je vais te dire un secret, ça sera ton cadeau du jour. Il lui lança un sourire un peu plus calme. Depuis que je suis môme je me lève la nuit pour bouffer. Du coup j'ai toujours trois tonnes de plats bizarres dans mon frigo. Si un jour t'as envie de crumble cuisiné avec amour et sommeil à trois heures du mat'...
Instinctivement, il laissa sa nuque reposer sur le dossier du canapé. Il était coincé ici, coincé avec elle, coincé avec lui-même. Il n'allait plus s'épuiser à lutter. Très sincèrement, même mentir, il était trop fatigué pour le faire. A quoi bon ? Il était définitivement et totalement coincé. Si la crainte était toujours là, il avait au moins su l'accepter. C'est terminé. Ravi de t'avoir connue, tranquillité.


Dernière édition par E. Andrew Seamore le Jeu 21 Juin - 15:38, édité 1 fois
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Tatiana Cuplle

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♠ COPYRIGHT : Shey
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeVen 27 Avr - 16:35

Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana 649549andr1
Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana 296789andr2


    Tatiana habitait un petit appartement sympa. Le quartier n'était ni trop chic, ni trop pauvre. Les loyers étaient élevés mais abordables pour une personne en bonne situation de travail. Elle était à peine encadrée de deux voisins, l'un au dessus et l'un en dessous. Tous deux vivaient seuls et étaient calmes, elle, elle n'était pas souvent présente et Waffel n'était pas le genre de chat à inviter ses potes de rue pour faire la fiesta. Cet appartement, elle y vivait depuis son arrivée à Thunder Bay. Pour l'instant, elle ne se voyait pas vivre ailleurs car ces quelques pièces reflétaient sa personnalité entière. Elle y avait construit des souvenirs, des odeurs, des moments à elle et tout était gravé dans les murs, tout respirait la fraise, la bonne humeur et surtout, la couleur. Elle avait décoré tout de A à Z selon ses goûts, autant dire que c'était folklorique. Un salon spacieux laissant vue sur la cuisine, une chambre à coucher, une salle de bain plutôt étroite et une penderie qu'elle avait confectionnée elle-même, sacrifiant une partie de sa chambre. Les murs étaient peints de couleurs vives. Rose, bleu ciel, jaune pâle, mauve. Des bulles colorées étaient dessinées dans les coins, des cadres, des colliers et toute sorte de décorations garnissaient les murs, sans parler des meubles. La moquette était assortie aux couleurs des murs, toujours aussi vive. On pouvait le dire, chez Tatiana, ça respirait le bonbon dans tous les coins. On se noyait dans les vêtements, on se perdait dans un labyrinthe de bibelots et on se prenait les pieds dans le voluptueux chat.

    Waffel connaissait bien Andrew. Il l'avait vu un nombre incalculable de fois et avait fini par se lier d'amitié avec lui. Enfin, on ne pouvait pas dire qu'Andy lui rendait la pareille mais il le supportait plutôt bien et le laissait lui grimper dessus. Waffel avait deux réactions typiques : soit il niait les personnes autres que Tat', soit il vous accueillait de quelques flatteries et miaulements. Aujourd'hui, il avait opté pour la seconde solution. Assez rapidement, Tat' retira son attirail d'hiver et se dirigea à la cuisine afin de faire bouillir de l'eau pour le thé d'Andrew. Elle ne lui avait pas demandé son avis mais elle savait qu'il accepterait volontiers. Ces anglais ! Elle jeta deux petits sacs d'herbes parfumées dans les tasses et s'activa, écoutant son ami parler. Avec Andy, ce n'était jamais grave, jamais trop douloureux. En attendant, elle avait mal, elle aussi, alors si elle pouvait s'en débarrasser et au passage aider un proche... Le choix était rapidement fait.

    Elle revint, les deux tasses bouillantes dans la main. Elle les posa sur la table, les laissant infuser. Waffel semblait confortablement installé sur les genoux d'Andy. Elle sourit discrètement et retourna en cuisine farfouiller dans le tiroir qui lui servait de pharmacie. Elle en sortit un tube de crème et un tissu ressemblant vaguement à un bandage. Instinctivement et d'un air concentrée, elle s'agenouilla face à Andrew.

    - Je vais te toucher, ne m'envoie pas valser cette fois, tu seras gentil.

    Elle souleva doucement le pantalon du jeune homme et, en effet, ne vit aucune plaie. Elle prit un peu de crème entre ses doigts et se mit à l'étaler doucement sur le genou blessé. Elle ne craignait pas de le heurter davantage, puisque qu'elle sentait absolument tous changement.

    - Elle va chauffer un peu.

    Elle fit pénétrer la crème durant de longues secondes.

    - J'ai l'impression d'avoir pris dix ans tellement je suis à plat. Eh, t'es sûre que ton pouvoir c'est pas plutôt pomper l'énergie vitale des honnêtes gens ?

    Tat' sourit. Elle avait été amusée de sa remarque. Elle n'avait jamais remarqué à quel point elle pouvait être fatigante. En fait, elle pensait ne pas l'être du tout.

    - C'est le changement du froid à la chaleur, Seamore. Mais je dois te dire que si j'avais ce pouvoir, je vous pomperais jusqu'à la moelle et je m'en servirais pour avancer dans mon boulot encore plus vite que d'habitude !

    Oui, elle le savait, ce pouvoir ne lui servait foutrement à rien. Elle n'avait encore trouvé aucune réelle utilité à tout ça. Certes, elle était en train de soigner son ami et cela porterait ses fruits mais hors mis ce fait. Rien. Et puis elle n'avait pas le temps de se mettre à l'épreuve, elle n'avait pas le temps de s'occuper de vrais malades et de faire quelque chose de constructif. Et puis, qui sait, peut-être qu'il s'en irait. Peut-être que c'était momentané et que ce foutu orage avait simplement déréglé quelques trucs. Peut-être aussi qu'il évoluerait tout seul, sans qu'elle s'en aperçoive.

    - Bon après, il y a moyen que ça soit un peu de ma faute. Je vais te dire un secret, ça sera ton cadeau du jour. Depuis que je suis môme je me lève la nuit pour bouffer. Du coup j'ai toujours trois tonnes de plats bizarres dans mon frigo. Si un jour t'as envie de crumble cuisiné avec amour et sommeil à trois heures du mat'...

    Super secret. Elle leva les yeux au ciel en souriant. Mais qu'est-ce que ce mec ne faisait pas pour se sortir d'un situation qui le dérange ? N'importe quoi, n'importe quoi. Mais bon, elle faisait avec, à force ; Et aujourd'hui, elle aussi elle se sentait fatiguée, elle se sentait vidée. Foutu hiver. Elle n'avait pas envie de réfléchir, elle n'avait plus envie de s'énerver, de se défendre, de se cogner la tête au mur pour lui faire comprendre ce qu'il ne voudrait jamais voir.

    - Un jour, je me suis niqué la cheville bien convenablement. Tu penses bien, avec les talons que je mets tout le temps. Et le médecin m'a donné ce truc. C'est un bandage orthopédique ou je ne sais pas trop quoi. Il y a un scratch et tu peux l'enlever et le remettre plus facilement qu'un bandage de base. Donc je te le passe le temps qu'il faut. Mets-le Andy, j'ai pas envie de ressentir ça chaque fois que je te vois.

    Elle enroula le tissu élastique noir autour du genou du jeune homme. Elle put doser son niveau de « serrage » et prit soin de baisser le pantalon ensuite. En fait, elle devrait être infirmière avec ce don. Gosh, non. Elle avait ramé toute sa jeunesse pour éviter de finir coiffeuse ou infirmière alors don ou pas, elle se contenterait de rester styliste. Elle se posa dans le fauteuil, prenant les deux tasses au passage et en tendit une à Andy, le chat toujours confortablement enroulé sur lui. Elle laissa tomber son dos dans le fond du canapé et fixa le plafond.

    - Tu sais quoi ? Je crois que je me suis pompée l'énergie toute seule avec mon faux super pouvoir. Je suis vidée aussi. Elle but une gorgée et fronça le nez à cause de l'eau qui lui brûlait la langue. Elle sourit d'un air malicieux et se poussa tout contre Andrew. Moi aussi vais faire comme Waffel. Vais faire dodo sur tes petits genoux blessés. Elle fit mine de se pousser davantage contre lui en riant.

    Elle n'avait plus envie de discuter sérieusement, elle voulait juste s'amuser et se reposer comme ils savaient le faire ensemble.

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E. Andrew Seamore

E. Andrew Seamore

♠ AGE : 38
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeMer 2 Mai - 2:04

La fuite en avant c'est la cigale et la fourmi
Qui s'affrontent dans une seule tête, ne te laissant aucun répit
La fuite en avant c'est le syndrome de la toupie
Qui tourne très fort sur elle-même pour ne pas toucher le tapis

Ça sonnait presque comme un répit, la tasse brûlante entre ses doigts, le ronronnement du chat, le sourire de Tatiana. Ça sonnait un peu comme une trêve, comme un abri pour la nuit, comme une halte dans un havre de paix. La peur dévorante s'était adoucie au fond de son ventre, la crainte violente avait finalement fondu en lambeaux de fatigue. Ça avait décroché un sourire aux lèvres d'Andrew, l'air un peu apaisé, l'air un peu plus en paix. Il se sentait presque bien, malgré la proximité dérangeante, malgré la situation un peu étrange. Il se sentait presque bien, thé entre les mains et chat sur les genoux, comme une petite voix qui lui soufflait qu'il était tranquille, qu'il pouvait se détendre, que maintenant, c'était fini. La présence de Tatiana en était presque rassurante alors que le sommeil le rattrapait, presque pas perturbante alors que la douleur s'estompait. La panique avait accentué la souffrance et, alors qu'il s'était laissé à moitié apprivoiser, elle rampait à reculons. Apprivoiser. Un peu comme les animaux sauvages, il avait accepté à contre-cœur les gestes discrets de Tatiana. Il l'avait laissée le conduire chez elle, il l'avait laissée le soigner, il l'avait laissée lui porter une attention qu'il détestait pourtant. Trempant ses lèvres dans le thé, il tapota sagement le sol du bout des orteils. Il était comme une tâche au milieu de l'appartement, l'élément étranger, l'intrus invité. Les pièces étaient toutes affublées de couleurs criardes et d'objets divers, aux murs, au plafond, aux étagères. De haut en bas, de fond en comble, c'était Tatiana tout entier. C'en était presque inconfortable tant il se sentait détaché de cet univers, tant il avait l'impression d'être à part dans ce monde bien particulier. Lui, affreux de banalité, accablant d'inutilité, vide de sens et de vie, au creux de ces originalités extraordinaires. Le moindre objet semblait revendiquer une histoire différente, et tout l'appartement semblait animé d'une ambiance en fait assez étrange sans en être dérangeante. En fait, très franchement, il se demandait comment elle pouvait supporter tout ces bibelots, tous ces trucs, tous ces machins aux quatre coins des pièces. Son appartement à lui était d'un vide inégal et d'une saveur inexistante. Il s'arrangeait pour coller tout son bordel près des fenêtres tant l'encombrement avait le don de l'exaspérer. L'angoisser peut-être un peu, aussi. Jusque dans les plus infimes détails de leur vie, ils s'opposaient. Même dans les choses inavouées, même dans les secrets inconnus, ils n'étaient pas semblables. Ça en devenait presque une philosophie inévitable, ce contraste infini, cette incompatibilité obsessionnelle. Leur philosophie. C'était un peu d'elle, un peu de lui. Ils étaient totalement différents, de toutes les façons et dans toutes les dimensions. Ainsi évoluaient-ils dans ce bas monde. C'était une réflexion philosophique du dimanche comme il lui en venait souvent, une constatation d'amateur. Grattouillant le chat affalé contre lui, il ne songea même pas à tressaillir alors que la tête de Tatiana retombait sur lui. Très honnêtement, il s'en foutait. Elle avait déjà franchi toutes les limites possibles et imaginables, il n'arrivait même plus à en être dégoûté tant il y était plongé, il ne parvenait plus à s'en effrayer tant la peur l'avait déjà envahi tout entier. Esquissant un sourire, il se risqua à lui pincer le nez en évitant de renverser le thé brûlant sur le sofa.

    — Je vais en foutre sur ton chat si tu continues de me pousser ! Après il va me griffer et m'émasculer, et je serai stérile. Je ne connaitrais pas la joie d'avoir une portée de minis moi brailleurs et baveurs, et je serai forcé de me réfugier dans l'alcool, et la drogue. Après je mourrai avec mes six chats et mon surpoids.
Le ton avait presque été accusateur alors qu'il la fixait, presque grave, presque sérieux. Finalement, il haussa les épaules en attrapant le chat qui lui grimpait dessus. On ne perd pas ses habitudes comme ça, n'est-ce pas ?
    — Enfin, au point où j'en suis, ça m'est égal. Hein, gros tas de croquettes ?
Au point où on en est. Ça ne ressemblait plus qu'à ça, parce qu'au point où on en était, ça ne servait plus à rien, ça ne changeait plus rien. Un mot de plus, un mot de moins, quelle importance ? Ça ne ressemblait plus qu'à ça, une fausse victoire, archaïque et anarchique, un succès provisoire pour Tatiana. Il avait lâchement déclaré forfait, elle avait gagné cette bataille. Il la lui accordait. De bonne grâce, de fausse humilité. De vraie fatigue. De vrai abandon, il lui concédait : elle avait gagné. Tant pis. Embrassant vaguement le crâne du félin, il s'autorisa à fermer les yeux le temps d'un instant. Juste une toute petite seconde, une petite pause, un arrêt sur image. Un arrêt du temps. Juste un peu. Juste une minute. Juste un moment de sa vie, il aurait voulu arrêter ce temps qui filait trop vite et lui filait entre les doigts. Juste pour un ridicule petit instant, il aurait voulu tout figer, la neige qui se remettait à tomber, les jours qui défilaient, le chat qui remuait, Tatiana qui souriait. Il aurait voulu être le seul à pouvoir bouger, à pouvoir seulement respirer, le temps de souffler, le temps de se poser. Il aurait voulu que le temps arrête de passer, simplement. Il en avait, du temps, pourtant, ce n'était pas ce qui lui manquait. Il en avait presque trop, il faisait une overdose de temps, une intolérance au temps. Mais il n'avait pas assez de ce temps là, ce moment tout à fait calme, tout à fait plat, le genre qui se trouve juste au milieu de la nuit, celui qui est un peu après qu'une partie de la ville s'endorme et un peu avant que l'autre partie s'éveille. Il avait besoin de ce temps là. Le temps pour oublier.
Ça dura peut-être un peu plus d'une seconde.
Il fallut que le chat miaule pour qu'il songe à rouvrir les yeux, prêt à s'endormir le nez dans les poils trop longs du matou, et, lançant un regard un peu ensommeillé à Tatiana, il s'affala de nouveau au fond du canapé — avec, je vous prie, toute la grâce et l'élégance d'un éléphant unijambiste et aveugle qui glisse. Marmonnant un très utile « Je suis crevé » au milieu d'un bâillement mal camouflé, il promena ses doigts contre les cernes qui se dessinaient sous ses yeux. Ça faisait des années qu'il n'avait pas eu de nuits complètes. Plus de dix ans, même, sans doute. Au point où on en est.

    — Eh, tiens... Le Sparks, tu l'as rencontré au boulot hein ? Il fait quoi au juste, il essaie tes robes ?
Il lui lança un sourire. Ça ne relevait que de la plaisanterie, ce n'était que de la taquinerie. Pour une fois, ce n'était que ça. Pas de mesquinerie, pas de méchanceté. Promis.
    — Je dis ça parce que je le voyais pas travailler chez une styliste à tiffs roses. Je le voyais même pas travailler en fait. C'est mon côté vieillard con et facho qui fait ça, j'imagine... Moment de réflexion. J'ai beaucoup de côtés, en fait, je me rends compte. Le vieux con, le sage qui radote et qui pue de la gueule, la damoiselle en détresse, mon côté Jean-Jacques précieux et pédant, aussi... J'ai aussi mon côté Andrew Seamore, des fois, mais il n'a pas envie que tu le voies et moi non plus. Je crois.
Soupir. Il se pinça la base du nez en fermant de nouveau les yeux.
    — Eh, tu sais quoi. Même moi je supporte plus mes conneries, j'ai sérieusement besoin de dormir. Je dis n'importe quoi. C'est mon tour de te dormir dessus en bavant sur tes genoux, et au tien de te taper les films de daube jusqu'à la fin de la nuit. On alterne.
Accompagnant le geste à la parole, il n'attendit pas une seconde de plus pour s'allonger, visiblement pas franchement gêné de foutre sa tête sur les jambes d'une nana styliste de quatre ans sa cadette. Pour être franchement honnête, ça aurait pu être les genoux d'une grosse conne raciste qui suait de partout, il aurait pu, juste pour le confort de la graisse. Même son cerveau s'embrumait. Encore plus qu'il ne l'était déjà d'habitude, disons, surtout. C'est dire.
    — Ouais, il va falloir que tu me dises ton secret, ça pourrait servir à tout un tas de personnes. « Comment supporter Andrew Seamore ? » Même moi j'ai du mal, parfois, je l'avoue. Même que tu l'amènes chez toi quand il dit des conneries...
Il ferma les yeux, comme si la réponse n'existait simplement pas.
    — C'est bien un truc de nana ça. Vous pardonnez des gens, des fois, on se demande pourquoi. Vous êtes censées être les intelligentes, pourtant, et nous les idiots. Quoiqu'on vous fasse, ça nous retombera toujours dessus. Enfin, en attendant que la roue tourne pour moi, je vais juste dormir et t'emmerder.
Il rouvrit finalement les yeux et lui lança un regard un peu blasé.
    — Enfin après pour mettre mon plan diabolique à exécution, il faudrait que je réussisse à dormir. Et comme j'ai déjà du mal en temps normal et qu'en plus j'ai bu de thé, c'est pas gagné. Donc je vais juste t'emmerder. Cela vous convient-il tout de même même, gente dame aux cheveux roses ?
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeMer 2 Mai - 16:40

    - Eh, tiens... Le Sparks, tu l'as rencontré au boulot hein ? Il fait quoi au juste, il essaie tes robes ?

    Un sourire s'étala sur le visage de la jeune fille. Aber, Aber... Elle ne l'avait pas vraiment rencontré au boulot mais ils se côtoyaient là, à présent. Leur rencontre remontait à la fac. Tous deux avaient poursuivi des études différentes, forcément, et pourtant, ils se retrouvaient à bosser dans la même boite. Ca avait un côté drôle. Elle pensait qu'il avait du suivre un cursus musical, quelque chose comme ça. Tous deux étaient des artistes à leur façon. De plus elle aimait beaucoup la musique. Elle chantait. Oui, tout le monde chante mais elle, avec davantage de sérieux que les autres. Elle chantait juste et sa petite voix cristalline donnait une atmosphère sympa aux mélodies qu'elle fredonnait. Aber, lui, jouait d'un instrument, de la batterie plus exactement mais elle avait oublié. Imaginer ce grand brun viril en train d'essayer ses robes l'amusa. De fait, il essayait ses créations mais pour la catégorie masculine. D'ailleurs, elle le revoyait galérer avec certains habits un peu spéciaux, ne sachant pas où il devait mettre la tête ou le bras.

    - Je dis ça parce que je le voyais pas travailler chez une styliste à tiffs roses. Je le voyais même pas travailler en fait. C'est mon côté vieillard con et facho qui fait ça, j'imagine... J'ai beaucoup de côtés, en fait, je me rends compte. Le vieux con, le sage qui radote et qui pue de la gueule, la damoiselle en détresse, mon côté Jean-Jacques précieux et pédant, aussi... J'ai aussi mon côté Andrew Seamore, des fois, mais il n'a pas envie que tu le voies et moi non plus. Je crois.

    Ce n'était pas faux. Aber, on l'imaginait voyou ou musicien. Peut-être tatoueur, vu le nombre de dessins qui le recouvraient de la tête au pieds. Pourtant, elle avait connu son parcours et ce garçon n'avait pas toujours eu facile. Ca, elle ne le dirait pas à Andrew. Après tout, elle n'était pas là pour étaler la vie de celui qui emballait son coeur à chaque regard insistant. Il avait lui-même postulé dans les agences mais avec sa dégaine, personne n'avait voulu de lui. Sauf Tatiana, la petit Mère Thérésa, la petite soeur des pauvres. Elle ne se considérait absolument pas comme une sauveuse, loin de là. Elle avait vu en Aber une occasion pour elle comme pour lui. Si on devait retracer le parcours de Cuplle's Clothing, Aber avait contribué grandement à la réussite de la marque. Il posait pour pratiquement tous les vêtements de la collection homme. Il travaillait bien, il avait cet air de tombeur rebelle que tout le monde appréciait, filles comme garçons. Les jeunettes effarouchées achetaient ces habits pour leur copains trop proprets et les garçons pensaient s'encanailler en les portant. Autant dire que c'était tout bénef ' pour les deux. Ce boulot régulier permettait à Aber d'arrondir ses fins de mois et Tat' était ravie de l'aider. Elle lui donnait souvent des petites enveloppes d'argent supplémentaire en récompense du bon travail fourni ou des heures supplémentaires qu'il passait, parfois pour aider à ranger, parfois parce-que le photographe avait pris trop de retard et que tout les autres mannequins avaient rechigné pour s'en aller.

    - Eh, tu sais quoi. Même moi je supporte plus mes conneries, j'ai sérieusement besoin de dormir. Je dis n'importe quoi. C'est mon tour de te dormir dessus en bavant sur tes genoux, et au tien de te taper les films de daube jusqu'à la fin de la nuit. On alterne.

    Elle rit doucement, n'ayant même pas encore répondu à la première question. Elle le laissait discuter, il semblait apte à bavarder pour une fois, autant ne pas le couper dans son élan ! De plus, il se livrait davantage sur la personne qu'il était. Ce n'était pas un piège qu'elle lui tendait, non. Elle aimait l'écouter parler, elle aimait l'entendre raconter. Un peu comme son père faisait quand elle était enfant. Il lui contait les histoires de son enfance à lui, ses souvenirs rôdés par le temps, les bons et les mauvais moments passés avec ses frères, avec sa famille. Il lui racontait avec passion ce qu'il adorait faire, comme il aimait monter aux arbres et cueillir des pommes dans le verger du voisin avant que ce dernier ne sorte avec sa carabine à la main. Souvent, elle lui posait des questions et il prenait toujours le temps de lui répondre, agrémentant sa réponse de petits détails croustillants qui tenaient sa fille en éveil. Bien qu'elle lui demandait souvent de raconter les mêmes histoires, ses préférées, il ne montrait jamais aucun signe d'agacement, jamais d'impatience. Il ne remettait jamais ses réponses à plus tard. Il lui parlait avec cet air posé, cette voix suave et ce sourire mélancolique au coin des lèvres. Tatiana avait probablement hérité de la patience de son père. Contrairement à sa mère, plutôt hystérique, nerveuse et qui détestait répéter plusieurs fois la même chose, se refusant de replonger dans ses souvenirs, peut-être trop douloureux pour elle, au fond. Tat' ne connaissait que très peu l'enfance et l'adolescence de sa génitrice. Elle avait eu des bribes d'informations mais sans plus. L'essentiel, disons. Elle savait également que les relations que sa mère entretenait avec ses parents n'étaient pas au beau fixe et qu'elle n'avait jamais reçu énormément d'attention de leur part. Souvent, c'était le père de Tat' qui livrait ces infos à sa fille. Après tout, elle avait le droit de connaître l'histoire de sa famille, elle aussi ! Elle ne comprit que beaucoup plus tard certains aspects de la personnalité de sa mère. Elle les avait acceptés mais leur relation ne s'était pas améliorée pour autant. Aujourd'hui, elle n'avait plus qu'elle et elle vivait loin. Elle avait tout abandonné pour son compagnon.

    Lorsque Andrew s'installa confortablement sur ses genoux, elle n'en fut qu'étonnée. Rares étaient ces gestes. C'était toujours elle qui terminait affalée sur lui, et elle savait que ce n'était pas une partie de plaisir. Là, il avait pris la décision lui-même de s'approcher de son amie. Elle ne releva pas le mot, baissant les yeux sur ce beau visage tandis que Waffel descendait du sofa en miaulant, de peu contrarié. Tat' passa ses doigts manucurés dans les cheveux fins du jeune homme. Un geste naturel qu'elle n'avait même pas cherché, qu'elle n'avait même pas hésité à faire, d'ailleurs. Elle le sentait plus détendu, plus apte à se laisser approcher. Un peu comme un animal que l'on rencontre. Et puis, il avait l'habitude qu'elle lui tripote les cheveux. Elle lui grattouillait le crâne, elle le coiffait sans le coiffer, elle passait simplement ses ongles dans cette masse douce. Rien de bien grave.

    - Ouais, il va falloir que tu me dises ton secret, ça pourrait servir à tout un tas de personnes. « Comment supporter Andrew Seamore ? » Même moi j'ai du mal, parfois, je l'avoue. Même que tu l'amènes chez toi quand il dit des conneries... C'est bien un truc de nana ça. Vous pardonnez des gens, des fois, on se demande pourquoi. Vous êtes censées être les intelligentes, pourtant, et nous les idiots. Quoiqu'on vous fasse, ça nous retombera toujours dessus. Enfin, en attendant que la roue tourne pour moi, je vais juste dormir et t'emmerder.

    Le secret ? Bonne question. Elle n'en avait pas. Enfin, le seul avait déjà été énoncé. La patience qu'elle avait hérité de son père. Puis bien qu'Andrew soit chiant parfois, il ne le serait jamais plus que sa mère. Elle avait été vaccinée contre tous les cris, les remarques et les humeurs de la terre. S'en suivit Kurtis, avec tous les problèmes mentaux existants. Voilà, elle avait été vaccinée de toute la connerie du monde. Certes, il lui arrivait de s'énerver un peu sur Andy. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est que ce n'était pas de l'énervement par caprices ou juste parce-qu'il était lui. Non, elle s'énervait parce-qu'elle désirait le meilleur pour lui et qu'il faisait tout le contraire de qu'il aurait du, de ce qu'il aurait pu. Elle en avait assez qu'il se mutile l'âme, en quelque sorte. Elle aurait voulu qu'il n'ait pas autant de secrets, pour elle comme pour lui-même. Mais elle l'avait accepté ainsi. Ce n'était pas une question de fille, une question de pardon. Tatiana avait comme philosophie d'accepter tout d'une personne ou de ne rien accepter du tout. Il l'ignorait. Beaucoup de monde l'ignorait. Elle avait peu de secrets mais celui-là en était un, sans forcément chercher à le cacher. Les gens n'ont pas la capacité de comprendre ça. Les gens prennent toujours les autres pour une seule partie d'eux. Leur physique, leur gentillesse, leur argent. Souvent les meilleurs côtés, bien sûr. Tat', elle, au risque de se faire bousiller le coeur, elle prenait tout. Elle acceptait sans pour autant dire amen aux pires facettes. Elle avait aimé Kurtis, elle avait accepté sa drogue, sa violence, son alcool. Et à côté de ça, ses caresses, ses sourires, son amour. Une fois qu'il eut dépassé les limites, elle pu dire stop. C'était ainsi qu'elle fonctionnait. Un jour, peut-être qu'Andy aussi, dépasserait les limites. Il les avait déjà fortement frôlées tout à l'heure, en lui attrapant vivement le bras. Et elle le lui avait fait comprendre, il avait compris. On ne pouvait pas prévenir l'avenir -enfin, si. Il y avait sûrement des gens avec ce foutu pouvoir. Mais pas elle.

    - Enfin après pour mettre mon plan diabolique à exécution, il faudrait que je réussisse à dormir. Et comme j'ai déjà du mal en temps normal et qu'en plus j'ai bu de thé, c'est pas gagné. Donc je vais juste t'emmerder. Cela vous convient-il tout de même même, gente dame aux cheveux roses ?

    Un nouveau sourire frôla ses lèvres. Elle allait dire oui, évidemment. La question ne se posait même pas à vrai dire. Mais d'abord, elle avait une chose à régler.

    - Mon coeur, il faut que tu saches une chose. Je peux endormir une marmaille de gosses déchaînés en moins de deux. Tu devrais venir passer quelques nuits ici, pour te reposer. J'ai un don caché, je crois.

    Un petit rire s'échappa de ses fines lèvres. Elle disait vrai. Elle avait le don de relaxer les gens ou que sais-je. En tout cas, ses amis, sa famille, son chat, tous s'endormaient très rapidement à ses côtés, c'était un fait prouvé !

    - Ensuite, je n'ai pas de secret pour te supporter. Tu n'es pas si terrible que ça, j'ai connu pire... Quelques souvenirs lui traversèrent l'esprit. Je crois juste que j'ai une grande patience. Et que je te connais un peu à présent. Puis je t'aime beaucoup, je crois que ça aide pas mal, non ?

    Ses doigts peinturlurés continuaient de caresser les cheveux châtains de son ami. Elle ne le regardait plus. Elle avait un peu de mal à se livrer en face à face. Pourtant, elle était sincère. Elle avait toujours eu cette gène et elle aurait aimé changer cet aspect de sa personnalité. Plusieurs vieilles pensées étaient arrivées d'un coup dans son cerveau, rares étaient ces moments. Elle ne savait jamais si elle appréciait ou non. Il y avait des souvenirs à la fois magiques et douloureux, comme ceux de son père. Dans le fond, ils étaient beaux et à côté, elle pleurait encore très souvent sa mort.

    - Aber, je l'ai rencontré à la fac. Mais il bosse pour moi maintenant. En fait, c'est pas son boulot à plein temps. Il est libre de venir quand il veut, pour arrondir ses fins de mois ou je ne sais quoi. C'est un truc en plus quoi, un passe temps rémunéré, tu vois ? Il avait postulé dans des agences ais personne ne le voulait à cause de ses tattoos etc. Moi je ne pouvais pas trouver mieux pour le style de mes créations. Silence. Il ne met pas de robes mais il n'a pas forcément plus de facilité avec le reste... Elle rit à nouveau, doucement. Presque tout bas.

    Combien de fois elle n'avait pas taquiné son mannequin de bras cassé, de maladroit ambulant. Elle l'avait trouvé drôle, attachant et attendrissant avec cette maladresse. Il l'avait fait craquer pour pas mal de raisons, à vrai dire.
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E. Andrew Seamore

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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeJeu 3 Mai - 12:56

Cette douce petite voix qui disait « Ne t'en fais pas »
Comme une douce petite voix qui pensait, pensait pour moi
Qui m'a tant répété « Ne bouge pas »

Lorsque les doigts de Tatiana s'étaient plongés au fond de ses cheveux, ils avaient semblé envoler tous les doutes, ils avaient semblé faire disparaître toute l'angoisse. Il avait des points faibles comme ça, Andrew, il avait des petites faiblesses, des petits bonheurs bien cachés. Il avait beau profondément détester sentir les doigts des autres tripoter et s'amuser avec ses cheveux, il n'y avait rien qui le détendait plus que ça, que cette sensation lorsque, allongé, on lui caresse les cheveux un peu gentiment, un peu doucement, comme une précieuse petite chose qu'on ne voudrait surtout pas abîmer. Lorsque les doigts de Tatiana s'étaient glissés entre les mèches brunes, ils avaient semblé le purger le temps d'un instant de toutes les ombres qui s'accrochaient encore à lui avec acharnement, comme lui laissant du repos, comme lui offrant une longueur d'avance. Lorsque les doigts de Tatiana avaient caressé ses cheveux, il s'était définitivement et profondément senti bien, comme gagné de la béatitude de l'épuisé, celle d'après les grosses journées, celle d'avant les gros sommeils sans rêves. Il n'avait su qu'être gagné d'un sourire un peu plus sincère, un peu moins mesquin. Le passé prit soin de l'effacer la seconde d'après. Ça avait été juste un réminiscence éclair, le genre un peu vague, un peu trop courte pour qu'on se souvienne vraiment, un peu trop longue pour qu'on l'oublie. Ça avait juste rappelé Maman, une vingtaine d'années auparavant. Avant tout, avant maintenant, un tout petit Andrew, un tout petit gamin un peu trop détaché, et les longs doigts de Maman qui défaisaient patiemment les nœuds de la tignasse sombre. Ça avait juste été une réminiscence éclair, et plus que tout, il n'avait pas su la manquer. Il n'avait pas su s'en vouloir, il n'avait pas su se dire qu'elle lui manquait, cette femme, un peu trop brune, un peu trop douce, il n'avait pas su se dire qu'il voulait la revoir, qu'il voulait se retrouver entre ses bras. Il s'était juste dit que c'était le bon vieux temps, que c'était l'époque où il la croyait encore, que c'était l'époque où, quand il parlait de sa mère, c'était avec des étoiles dans les yeux et pas des sourires amers. Bon sang. Il avait su se trouver bien l'espace d'un instant, le temps d'un moment, et elle avait été fidèle au poste dans son rôle de celle qui vient tout foutre en l'air, de celle qui vient tout briser, de celle qui vient tout casser. On ne change pas les vieilles coutumes. Battant des cils, il chassa l'ombre maternelle de ses yeux pour retomber nez à nez avec Tatiana et ses murs qui offensent la rétine. Le geste au fond de sa chevelure avait semblé être beaucoup moins doux, beaucoup moins personnel, et il s'en était détesté pour ça. Quand arrêterait-il de tout briser comme ça ? Ça en devenait presque épuisant, au bout de vingt-six ans. Vraiment.

Les yeux à demi clos, il essaya d'attirer de nouveau le chat du bout des doigts, l'appelant presque à mi-voix. Le souvenir l'avait brisé dans son élan et avait perturbé son calme. Une fois de plus, en cherchant Waffel, il avait bêtement cherché à échapper à quelque chose que Tatiana ne voyait pas. Le sentait-elle seulement ? Est-ce qu'elle sentait, les mains dans ses cheveux et le sourire aux lèvres, les espèces de brasses inutiles qu'il faisait pour ne pas couler ? Est-ce qu'elle devinait tous ces trucs qui lui passaient par la tête, toutes ces choses qui perturbaient son bien-être ? Est-ce qu'elle pouvait seulement ? Il ne voulait pas savoir. Très sincèrement, il ne voulait plus rien savoir. Il voulait croire, il voulait oublier. Il voulait tout laisser tomber, se faire sourd, muet, aveugle, se foutre la paix. Les gestes dans ses cheveux le rappelèrent au fond de son ignorance abyssale. Il allait oublier. Il le fallait. Réceptionnant le chat, il le fit grimper sur son torse et, tripotant vaguement ses pattes, il lança un vague regard à Tatiana.
    — Tu as trouvé mon point faible, c'est vil. Les chats tu les grattouilles derrière les oreilles, moi tu me caresses les cheveux et je suis sage.
Prenant la tête du chat dans sa main, il caressa sa gorge du pouce et, fermant presque les yeux, il se détendit un peu plus. Ils avaient semblé être deux corps éthérés, coupés du monde et baignant dans une quiétude intemporelle entre les volutes de vapeur du thé et les murs étroits qui se tordaient en couleurs. Il en était presque aérien, Andrew, tant il se sentait vidé de toute énergie. Il en était presque aérien, Andrew le terre-à-terre, Andrew l'incrédule. Ils étaient là. C'était la seule phrase qui lui venait. Ils étaient là. Ils étaient là, et lui il était tout de même content d'être là, il était content d'être là aussi, il était quand même content d'avoir échappé à ce qui aurait pu l'empêcher de se trouver là, sur les genoux de Tatiana.
    — Je crois... Je crois que je suis bien là.
Son regard se voila.
    — Je veux dire pas là ici sur tes genoux ni là dans ton appartement, je suis bien. De me trouver quelque part. Et de m'en rendre compte, aussi, un peu. Ça a l'air bizarre, dit comme ça, forcément, mais je me suis souvent dit que je n'étais nulle part. Enfin je veux dire concrètement j'étais forcément quelque part évidemment, mais ce n'était jamais quelque part où j'avais l'impression d'être vraiment, tu vois ? C'était juste comme si j'y étais parce que je devais être quelque part, un peu pour garder l'équilibre. Et puis. Et puis ça m'a l'air encore plus bizarre maintenant alors. Je crois que je vais arrêter de dire des choses bizarres et continuer d'être fasciné sur ton chat.
Il lui lança un sourire en coin, un peu amusé de ses propres mots. Il n'avait pas l'habitude de lâcher ce genre de choses. Ça ressemblait à ses pensées à l'état brut, un peu brumeuses, pas très claires, pas très ordonnées. Ça ressemblait au bordel qui régnait jour et nuit dans son cerveau, comme une machine infernale, nourrie à coup de bouquins mais jamais rassasiée. On lui avait dit que c'était parce qu'il était intelligent, on lui avait dit que c'était parce qu'il « y en avait là-dedans ». Il n'avait jamais trop su quoi en penser. En étant intelligent, il s'illustrait pourtant dans sa connerie. Bah. Le sujet n'était pas là. Il ne voulait vraiment pas s'empêtrer dans le labyrinthe incroyable de ses propres pensées. De nouveau, il sourit à Tatiana, sans vraiment la regarder, les doigts plongés dans les poils de Waffel. En fait, il ne savait pas quoi lui dire. En fait, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'on dit, là, fatigué, allongé sur les genoux d'une femme, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'on voulait qu'il dise. Il ne savait pas si on attendait quelque chose de lui, si elle attendait quelque chose. Il ne savait pas s'il devait s'endormir là, calmement, ou se lever et s'enfuir. Il ne savait pas s'il devait commencer les aveux, s'il devait tout lâcher, s'il devait tout vider, ou s'il devait rester à faire la tombe, s'il devait continuer à faire le fugitif. Il ne savait pas comment ça allait se terminer, comment serait demain, comment serait après. Alors, le chat sur le ventre, il resta là, silencieux, immobile, comme une sage petite image, en attente d'une directive, en attente d'un éclair de génie, en attente de ce cerveau fainéant et agaçant qui lui lançerait un « Fais ça, imbécile, ». C'était la seule vraie question : Que faire ?
    — Ses fins de mois, hein ? Bah, c'est toujours mieux qu'autre chose, remarque. Enfin, je ne pourrai pas le critiquer, personnellement je suis abonné aux allocs et... Enfin bref.
Il avait fait abstraction des mots, des « je t'aime beaucoup » qui résonnent, il avait fait le sourd, il avait fait comme si elle ne l'avait même pas prononcé. C'était des mots qu'il n'avait entendu que dans la bouche des exs, qu'il n'avait entendu que chez ses parents, qu'il ne voulait, au final, même plus entendre. Ça le blessait plus qu'autre chose, au final, mettre des mots sur les choses, employer les phrases qu'il préférait seulement deviner. Ça le blessait plus qu'autre chose, au final, qu'on le prive de ce bénéfice du doute dans lequel il saurait se réfugier en cas d'erreur. Tatiana l'aimait beaucoup. Elle aimait beaucoup les gens en général, de toute façon. Elle était d'une gentillesse à toute épreuve, et il ne savait pas s'il trouvait ça ridicule ou admirable. Sans doute un peu des deux. Le problème avec Tatiana était là — lui qui avait l'habitude de déchiffrer les gens et de s'en servir contre eux pour les tenir en respect, il était si différent de Tatiana qu'il en était totalement désarçonné. Il ne savait pas ce que ça pensait, ces gens-là. Il ne savait pas comment on s'en défaisait, des filles comme ça. Et il n'aimait pas ça du tout.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeMer 9 Mai - 15:10

    - Je crois... Je crois que je suis bien là.

    Tatiana sourit à ces quelques mots. Simples mais pourtant révélateurs. Rares étaient les fois ou Andy parlait sincèrement et aussi franchement de ses émotions, contrairement à elle qui mettait tous les gens autour au courant. Cependant elle ne montra aucune joie démesurée bien que ça la touchait.

    - Je veux dire pas là ici sur tes genoux ni là dans ton appartement, je suis bien. De me trouver quelque part. Et de m'en rendre compte, aussi, un peu. Ça a l'air bizarre, dit comme ça, forcément, mais je me suis souvent dit que je n'étais nulle part. Enfin je veux dire concrètement j'étais forcément quelque part évidemment, mais ce n'était jamais quelque part où j'avais l'impression d'être vraiment, tu vois ? C'était juste comme si j'y étais parce que je devais être quelque part, un peu pour garder l'équilibre. Et puis. Et puis ça m'a l'air encore plus bizarre maintenant alors. Je crois que je vais arrêter de dire des choses bizarres et continuer d'être fasciné sur ton chat.

    Elle comprenait. Combien de fois n'avons nous pas ressenti cette impression ? L'impression d'être quelque part pour ne pas être ailleurs. Pour ne pas être seul, pour ne pas sombrer. Quelque part pour exister. Tat', elle, elle était toujours au travail pour se sentir vivre. Lorsqu'elle était ailleurs, elle n'était que le fantôme d'elle-même. Elle passait pour rejoindre un lieu, elle se pressait pour faire une course, pour un but bref et indispensable. Le reste du temps elle était au studio ou à son bureau, penchée sur ses croquis. C'était là qu'elle se sentait le mieux, le plus vivre, le plus elle-même. Alors elle comprenait ce qu'Andrew éprouvait et elle était heureuse que ce soit en ce moment et à ses côtés. Enfin, il prétendait que cela n'avait rien à voir avec elle mais peut-être qu'une autre personne à la place de Tatiana ne lui aurait pas donné la même impression.

    - Normal, Waffel tu le sais pas mais il a aussi un pouvoir.

    Faux, bien sûr. C'était dans sa nature de chat à long poils d'hypnotiser et de fasciner les gens qui le croisaient. Surtout qu'il était plutôt adorable, doux et gentil. Tout le contraire du chat d'Andrew que même Tat' avait du mal à cerner. Tel maître tel chat, non ?

    - Ses fins de mois, hein ? Bah, c'est toujours mieux qu'autre chose, remarque. Enfin, je ne pourrai pas le critiquer, personnellement je suis abonné aux allocs et... Enfin bref.

    Tu aurais du te taire Tat'. Il était vrai qu'Andrew n'était pas un gros bosseur mais elle ne lui en tenait pas rigueur. Après tout, chacun sa vie et ses envies. Si elle avait été moins passionnée, si elle avait surtout échoué dans sa carrière, elle aurait peut-être du faire comme bon nombre de personnes. Profiter du système ou simplement survivre avec ce qu'on lui accordait. Aber... Aber elle ne savait pas du tout ce qu'il faisait d'autre en dehors du mannequinat. Elle ne lui avait jamais demandé, elle ne l'avait jamais deviné. Peut-être qu'il était comme Andrew, sur les allocations. Peut-être qu'il ne trouvait rien à cause de son physique atypique. Peut-être qu'il avait un boulot de raté dans un fast food de nuit ou qu'il nettoyait des bureaux. Peut-être même qu'il était dealer de coke et qu'elle n'en savait rien. Elle n'en savait rien et elle s'en fichait assez bien. Elle ne lui demandait qu'une chose, de bien travailler dans sa boîte quand il y venait. Il y venait très régulièrement, plus que tous les autres. Et elle n'avait jamais rien trouvé à redire alors qu'il deal de la coke, du crack ou je ne sais quelle substance, ça avait peu d'importance au fond.

    - Comme je le dis souvent, chacun son truc... A vrai dire, je ne sais pas à quoi je lui sers. Je l'aide forcément financièrement sinon il ne travaillerait pas pour moi. Mais je ne sais pas s'il fait autre chose à côté ou rien du tout ou si ce qu'il fait pour moi est simplement une passion. Silence. En fait je m'en fous un peu, qu'il soit même pas très net ou quoi, tant qu'il fait ce que je lui demande sans foutre le bordel.

    Elle s'arrêta un moment, le silence fit place aux ronronnements de Waffel et à leurs deux respirations presque en harmonie. Une odeur d'eau tiède aromatisée flottait dans l'air et un étrange sentiment de plénitude, de calme vrai, pas de comédie, rien de faux, rien de forcé. Andrew avait dit qu'il se sentait bien et que les caresses de Tatiana le calmaient en quelque sorte. Waffel semblait aux anges sous les caresses de l'homme qu'il commençait à bien connaître et Tatiana... Tatiana était chez elle avec un ami qu'elle affectionnait particulièrement et n'avait aucune raison de se sentir mal. Elle était davantage relaxée que tout à l'heure où l'ambiance entre les deux était un peu électrique. Ou Andrew se sentait une fois de plus prisonnier, piégé et elle, à moitié terrorisée.

    Alors qu'elle voulu engager un nouveau sujet de conversation sur les éventuelles passions de son ami, son portable vibra dans sa poche. Elle le saisit. Un sms. Aber Sparks. Son coeur s’emballât à l'instant où elle lu ce petit nom sur l'écran allumé. Son souffle se coupa et elle ne dit rien à Andy. Pas tout de suite. Elle ouvrit le sms, très long à première vue. Elle lut attentivement chaque partie du message. Au fil des mots, elle sentait sa mine se décrépir. Elle avait l'impression de tomber, de sentir le sol se dérober sous ses pieds. Le monde venait d'arrêter de tourner autour d'elle. Les nuages étaient fixes. Andrew ne respirait plus, il n'existait plus. Il s'était envolé tout comme les ronronnements du chat. Elle du relire plusieurs fois certaines parties pour s'assurer de ne pas rêver, pour se rendre compte de ce qui était en train de se dérouler. Non, ça ne pouvait pas être possible.

    - Ce... C'est Aber... Le sms...

    Elle le relu à nouveau. Il lui expliquait qu'il ne pourrait plus se rendre à l'agence aussi régulièrement, voire plus du tout pendant un moment. Durée indéterminée, raisons personnelles. Il s'excusait. Vraiment. Sincèrement. Ca l'ennuyait de la laisser comme ça. Qu'il se rendait compte de son importance à l'agence mais qu'il n'avait vraiment pas le choix, qu'il comprendrait qu'elle le remplace pour toujours. Il s'excusait encore. Elle ne pouvait pas lui en vouloir mais ça contrecarrait pas mal ses plans. Elle devrait absolument trouver quelqu'un pour prendre sa place le temps de son absence. Les photos auraient beaucoup moins de gueule, ses projets auraient une toute autre forme mais elle n'avait pas le choix. Peut-être Cassidy accepterait-il de lui rendre ce petit service en échange de quelques dollars de plus. Une autre chose, cette absence impliquait qu'ils ne se verraient plus, ou du moins, très très peu. Beaucoup d'espoirs venaient de s'envoler d'un coup et elle perdait de gros repères.

    - Il.. Heum. Il ne viendra plus pendant un moment. Je ne sais pas pourquoi.

    C'est tout ce qu'elle avait trouvé à dire pour le moment. C'est tout ce qu'il y avait à dire. C'est tout ce qu'Aber avait accepté de lui dire.
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E. Andrew Seamore

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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeSam 12 Mai - 13:54

C'est l'art de ne pas se poser de question
Juste au cas où les réponses nous blesseraient pour de bon
C'est l'art de ne jamais jamais poser de question
De peur de passer pour un con

    — C'est Aber...
C'est Aber qui s'efface en une douleur vide. En l'espace d'une seconde, en un battement de cils, les yeux de Tatiana avaient semblé se vider de toute une vie, et, lavant les souvenirs d'un bleu livide, le silence était retombé. Long. Lourd. Difficile. Andrew avait instinctivement relevé la tête, comme soudainement agrippé dans sa quiétude léthargique par la réalité, par ces demi-mots, par ces suppositions, par ce trop peu, par le pas assez. C'est Aber qui disparaît, qui se tait, que ne vient plus, quelle importance ? Il ne serait plus là. Même assise, il avait senti qu'il y avait ces choses qui s'étaient dérobés sous ces pieds, ce genre de choses auxquelles on s'accroche — le peu de repères qu'elle avait, les quelques piliers qu'elle s'était construite. Ces choses sur lesquelles elle avait dit que ça, au moins, ça serait solide, que ça, au moins, ça ne lui ferait pas défaut. Elle avait semblé déstabilisée, désarçonnée, égarée. Déboussolée. Alpaguée par une douleur incise, elle était déboussolée. C'était quelque chose qui l'avait frappé immédiatement. Même par son manque total d'altruisme, il avait su, il avait compris que cette fille-là avait dérapé, avait été poussée de ses bases dans les fonds d'un sable mouvant qui avale son corps et le perd entre les facettes anguleuses du monde. Même par sa parfaite absence de savoir-vivre, il avait compris que là, Tatiana avait perdu pied. Non. Je ne te laisserai pas tomber. Au sens propre comme au figuré, je m'en fous, on s'en fout, petite, tu ne tomberas pas. Il avait presque voulu la retenir dans sa chute et, le regard un peu moins vague, un peu plus intéressé, il avait lutté contre l'affreuse constatation. Oui, il s'était attaché à elle. Oui, il trouvait en elle une amie. Oui, peut-être qu'il mentait un peu en la repoussant, peut-être qu'il se mentait un peu en se disant qu'il s'en foutait. Oui, je l'avoue, je l'admets, j'y consent. Oui, moi, Andrew Seamore, je sais, je sais que j'ai commis l'erreur impardonnable, je sais que j'ai failli à mes promesses. Oui, moi, Andrew Seamore, je sais, je sais que cette fille-là, je ne la laisserai pas. Et c'est dur. A admettre. A supporter. A accepter. Et c'est dur à concevoir. Ça fait mal, un peu, aussi. Il avait fermé les yeux sur un risque non-négligeable, sur un danger trop important. Il avait voulu essayer sans le vouloir, il avait voulu tenter sans le désirer. Et voilà, petit, tu y es, tu t'y essayes — te voilà seul en tête-à-tête avec toi-même. Tu sais ce que tu risques, tu sais à quoi tu t'attends. Tu sais comment ça finira, tu sais, tu sais tout ça, alors pourquoi vouloir s'obstiner à essayer ? C'est d'un lyrisme, vraiment. Ça serait tragique d'en arriver là. Ça serait tragique qu'elle en arrive là. Oh, allez, pourquoi tu fais la gueule ? Je ne suis qu'une foutue voix dans ta tête. Tu m'appelles réalité, tu m'appelles vérité, tu m'appelles pas, en fait, carrément, tellement tu m'oublies, tellement tu me caches. Mais je suis toujours là, c'est un fait. Oh, allez, pourquoi tu fais la gueule ? C'est pas comme si tu m'écoutais souvent, pourtant.
    — Est-ce que... Ça va ?
La question avait été d'une connerie retentissante et, à peine l'avait-elle prononcée, ses lèvres s'étaient closes. C'était typiquement la question qu'il détestait entendre, typiquement la question qu'il détestait qu'on lui adresse.
    — Enfin non je veux dire je sais que ça va pas mais est-ce que de façon relativement normale il y a un truc que je suis censé— que je pourrais faire ? Je sais pas, tu veux un autre thé, que je m'en aille, que j'allume la télé ? Tu peux même pleurer sur mon épaule si tu veux mais en général dans ces circonstances j'ai des réactions aussi improbables qu'un homme politique à un concert hippie donc. Voilà. Je. Sais pas trop. T'es une fille alors je suis pas sûre que te proposer de boire comme un trou jusqu'au milieu de la nuit et aller décuver sur le toit de mon immeuble ça soit dans les meilleurs trucs à faire.
Silence.
    — Tu peux aussi éventuellement me pincer pour avoir foutu en l'air tout le mélodrame de la situation avec mes conneries.
Dans un mouvement presque spontané, il avait nonchalamment tendu le bras, comme un défi, comme un « allez, pince-moi » un peu enfantin. C'était presque compulsif, cette incapacité à garder un minimum de sérieux, c'était un peu un réflexe premier, un mécanisme particulier. Un truc unique, une caractéristique signée du gène Seamore. Il essayait de lui arracher un sourire, de l'arracher à son sérieux, il essayait un peu n'importe quoi pourvu qu'on ne le force pas à être sérieux sur ces choses-là. Sérieux sur les sentiments, sur les histoires de cœur, sérieux sur la vie, sérieux sur tout. Il n'avait pas envie, pas là, pas maintenant. Il voulait juste, peut-être un peu égoïstement, se détacher de ces problèmes, de ses problèmes, en décrochant la peine de Tatiana. Pourtant, elle sourirait. Elle sourirait, parce qu'elle souriait toujours. Mais le sourire sonnerait faux, ricochant sur ses lèvres en un rictus douloureux. Mais le sourire sonnerait faux, le sourire appellerait l'autre, le sourire le demanderait lui, le sourire demanderait Aber Sparks, rien de plus, rien de moins. Elle sourirait, parce qu'elle souriait toujours. Mais à quoi bon si ce n'est que par habitude ? Après tout, c'était sa technique à lui de faire croire que tout va bien, de sourire n'importe où, n'importe quand, n'importe comment. Après tout, c'était sa technique de mentir, de feindre l'indifférence. Mais à quoi bon si elle faisait de même ? A quoi bon si, après tout ces efforts, elle comprenait ? Tout cela puait d'un égoïsme un peu craintif et pourtant, il s'efforçait ces bons sentiments, il s'efforçait de ne pas y penser, de perdre un peu de cet orgueil lâche.

Non. Définitivement, non. Il ne pouvait pas. C'était au-dessus de ses forces. Il ne pouvait pas se permettre de s'approcher d'elle, de s'accrocher à elle. Ça ne relevait plus du désir, simplement de ses propres capacités. Il ne pouvait pas regarder ailleurs que son nombril. Il ne pouvait pas se décoller cet espèce de faux-vrai lui, ce qu'il était devenu à trop le feindre, ce rôle qui, a trop lui coller à la peau, est devenu totalement sien. Non, définitivement, non. Il ne pouvait pas se comporter comme ça avec Tatiana.
    — Je ne sais pas... Je sais pas trop quoi te dire. Tout ça... C'est pas de mon ressort. C'est pas faute d'avoir essayé, mais, c'est pas dans mes cordes. Tout ce que je peux faire pour toi, c'est l'épaule sur laquelle pleurer et les mains qui cassent la gueule des gens qui t'embêtent. Mais je saurai pas... Te soutenir. Pas comme il faut. Pas comme je devrai, en tout les cas, surtout.
Autre silence. Il lui lança un sourire presque gêné.
    — Je sais pas ce que je dis maintenant. Je suis désolé ? De ne pas pouvoir t'aider je veux dire. Enfin ça veut pas dire que je vais te laisser tomber. Juste que... Ça ne te sera pas nécessairement d'une grande aide. Enfin. Bon. Tu fais ce que tu veux. Je vais faire la meilleure amie qui parle trop et n'est jamais bien claire, si tu veux. Tant que tu te mouches pas dans mon écharpe.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeLun 14 Mai - 13:41

    - Je sais pas ce que je dis maintenant. Je suis désolé ? De ne pas pouvoir t'aider je veux dire. Enfin ça veut pas dire que je vais te laisser tomber. Juste que... Ça ne te sera pas nécessairement d'une grande aide. Enfin. Bon. Tu fais ce que tu veux. Je vais faire la meilleure amie qui parle trop et n'est jamais bien claire, si tu veux. Tant que tu te mouches pas dans mon écharpe.

    Tatiana ne l'écoutait plus. Au fond elle ne voulait pas qu'on la pleure, qu'on la réconforte. Elle n'en avait rien à foutre de toutes les niaiseries qu'on aurait pu lui sortir pour cette « bonne cause ». Elle voulait juste se réveiller de ce mauvais rêve. Ne lire aucun message d'Aber, ou quelque chose de plus positif, du moins. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait de son côté et elle n'osait pas le lui demander. S'il avait de graves problèmes ? Elle voulait à la fois se rassurer et tenter de l'aider. Elle se trouvait désemparée. Sincèrement, elle avait pris peur surtout pour l'aspect économique de la chose. Les raisons personnelles suivaient ensuite. Elle allait probablement perdre beaucoup de temps et d'argent. Elle n'aurait pas osé dire que tout reposait sur les épaules d'Aber mais presque. Elle soupira et laissa tomber son visage sur le torse d'Andrew, passant le bras qu'il avait tendu autour de sa nuque. Ses cheveux roses cachèrent tout son visage et elle ferma les yeux.

    - La ferme Seamore. Tu comprends pas l'aspect financier que ça représente pour ma société. Il bossait grave et c'est un peu grâce à lui que j'ai avancé si vite. C'est son corps qu'il y a dans tous les mag' qui me représentent, moi et la marque. Je suis dans la meeeeeeeerde......... Un temps. Pis je verrai plus sa belle gueule.

    Double choc. Alors qu'elle se faisait à l'idée qu'un mec lui plaisait, alors qu'elle faisait des plans sur la comète, des années après Kurtis, tout partait en fumée, une fois de plus. POURQUOI ? La question qu'elle se posait était POURQUOI ELLE ? Le bon Dieu lui en voulait. Elle ne pouvait plus que se référer aux forces mystiques de la nature pour se dire qu'elle n'était pas responsable de ses malheurs. Elle tourna alors son petit visage d'un coup moins paisible vers celui d'Andrew, la joue collée contre ton torse d'où elle pouvait sentir et entendre le coeur de son ami.

    - Je ne sais pas ce que je dois faire.

    Lui répondre ? Ne pas lui répondre ? Lui proposer de l'aide, lui demander des explications ? En quelques secondes à peine, tout avait basculé dans une autre dimension. Le moment paisible et chaleureux qu'elle avait créé avec Andy s'était transformé en un moment un peu maladroit, un peu ambigu et incertain. Une sorte d'univers parallèle où personne ne se serait senti à l'aise. Elle lui parlait d'un gars qu'il détestait. Elle lui avait parlé positivement de ce gars pour ensuite changer la donne. Elle se retrouvait dans une montagne de soucis à cause de ce gars là. De ce gars là, précisément qu'Andrew aurait, à présent, encore plus de raisons de détester.

    Elle se redressa et saisit son portable, bien destinée à lui répondre. Elle voulait quelque chose de clair. Clair, concis. Elle ne lui demanderait rien, elle affirmerait. Oui, elle affirmerait que sa porte était toujours ouverte pour lui, qu'il ne tarde pas trop car elle en avait besoin. Qu'elle espérait que tout s'arrange très vite et qu'elle était là en cas de besoin. Rien de plus, rien de moins. Une patronne compréhensive et un peu trop sous le charme. Le portable tactile glissa lentement hors de ses mains, terminant sa chute suave sur le ventre de la jeune femme. Ses yeux verts se posèrent sur Andrew.

    - Désolée de te l'annoncer mais ça signifie que je vais être encore plus souvent à tes basques, bébé.

    Elle sourit. Son sourire et son humour avait repris le dessus. Elle se sentait encore désemparée mais elle se rendit rapidement compte qu'elle n'avait pas le choix et qu'elle devrait faire avec. Tant pis si elle perdait de l'argent, elle avait de quoi se protéger en cas de pépin. Elle se concentrerait sur l'essentiel, à présent. Elle irait droit au but sans faire de chichis. Elle ne se laisserait distraire par rien d'autre que son chat, pas d'hommes, pas d'amis, rien. Elle mettrait en place une stratégie marketing pour lui rapporter au mieux sans lui en attendant son retour. Pour le reste, elle se concentrerait sur l'avancement de la boutique. Celle-ci serait à peine terminée dans quelques semaines. Une histoire d'un mois. Il ne resterait que la mise en place des vêtements, la grande ouverture et enfin, y travailler. Elle se délesterait de quelques grosses tâches principales l'espace de quelques mois, le temps de repenser à une nouvelle collection. Le temps d'avoir le temps. Elle engagerait quelques assistants, des pros, des gens en qui elle pourrait avoir aveugle confiance. Elle ne laisserait rien à la dérive. Ce métier, ces habits, cette boutique, c'était toute sa vie. Elle ne pouvait pas vivre sans et si quoi que ce soit coulait, elle coulerait avec.

    Elle repartait dans ses pensées les plus sombres. Celles qui lui soufflaient tout bas de ne s'intéresser à rien d'autre qu'au travail. Plus de place pour l'amusement, plus de place pour les sentiments, plus de place pour la vie. Elle ne voulait pas recommencer ce même cercle vicieux dans lequel elle était prise depuis des années. Certes, elle l'avait voulu. Certes, elle s'y était mise dedans toute seule. Mais cela s'était avéré plus dangereux, plus destructeur que prévu. Elle ne devait pas lâcher prise à nouveau. Elle était redevenue la petite Tat' qui sait comment profiter de la vie ses week-ends de libres, il ne fallait pas que cela cesse. Il ne fallait pas qu'elle redevienne terne, qu'elle perde de sa couleur et de sa bonne humeur. Elle recommençait à peine à sourire, à savourer, à profiter. A se laisser aller aux sentiments de bien être.

    - C'est juste que si t'es pas là, je vais sombrer. Tu sais comme je suis. Je vais plus penser qu'au travail. Je mangerai plus, je dormirai plus, je ferai que bosser et stresser. Fini les sorties, fini de souffler, fini de sourire. Je veux plus retomber là dedans Andy. Je sais que t'es pas mon père, ni mon frère, ni même mon mec pour devoir veiller sur moi. Et je ne te le demande d'ailleurs pas. C'est juste que... je vais avoir besoin de toi. De ta présence. Un peu...

    Elle marqua un temps d'arrêt, le regard baissé, jouant avec un bout du t-shirt d'Andrew.

    - Je sais aussi que t'es pas mon unique ami. Mais bon. Les autres, je sais comment ça va se passer et je risque de sombrer dans une autre sorte de dépression. Je ne veux pas non plus. Je veux juste... Garder un équilibre. Comme en ce moment, tu vois ? Et de tout mon coeur, que ça te plaise ou non, que tu y crois ou pas, il n'y a que toi qui arrive à m'apporter ça. Nouveau silence. Je ne sais pas si c'est le fait que je veille sur toi, que je sois là pour te « recadrer » qui me permet de moi-même tenir sur mes quilles. Je ne sais pas si ça me pousse à me dire « Pour Andrew ». Mais l'unique chose que je sais c'est que c'est de toi en particulier que je vais avoir besoin. Mais ne prends pas ça comme une tâche, comme un devoir ni comme un truc énorme qui dépendra de notre vie à tous les deux. Juste comme maintenant. A faire ce qu'on fait, sans rien changer, sans pitié, sans efforts.

    Elle refusait qu'Andy se sente redevable ou forcé de quoi que ce soit. Elle ne voulait pas être vue comme une gamine, comme une faible qu'il devait à tout prix tenir debout par peur qu'elle dérive l'on ne sait où. Elle voulait simplement qu'il reste lui-même. Qu'il continue de la rendre folle, qu'il continue de la taquiner, de lui créer des soucis anodins. Qu'elle s'en fasse pour lui et qu'elle lui fasse la morale. Elle voulait le vrai Andrew et pas, tout à coup, un Andrew compatissant, trop tendre et trop attentionné. Non. Elle refusait de se plier à une telle relation sous prétexte qu'elle avait des problèmes.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeMar 15 Mai - 10:00

Un miracle parmi les mers je deviens suffisant
Plus je parle, moins je mens

Je vais avoir besoin de toi. Besoin de lui. Besoin de moi ? Pourquoi moi, pourquoi lui, Andrew Seamore, pourquoi avoir besoin de lui ? Car ce n'est pas de lui dont tu as besoin, Tatiana, car ce n'est pas à lui à qui tu penses, là, blottie contre ses cuisses. Tu te mens, mais tu le sais. Il le sait. Il y aurait ce petit spectre fou, cette folie passagère des sentiments pour Aber Sparks, ces émotions un peu trop vives et un peu trop lourdes qui s'adonnaient à un concert d'angoisse dans les bas-fonds de son estomac. Andrew n'avait rien dit et pourtant il se l'était suggéré, qu'elle ne se rendait pas compte d'à quel point son soutien était inutile, inexistant. Andrew n'avait rien dit et pourtant il s'était dit qu'elle n'avait finalement sûrement pas vraiment besoin de lui, qu'au fond, il ne lui souhaitait pas, que sinon, elle serait tombée bien bas. Il n'avait pas réagi aux doigts contre le tissu, aux oreilles contre le cœur qui battait, brinqueballait dans la poitrine et vacillait en paniques journalières. Il n'avait pas réagi aux mots de Tatiana et pourtant il les avait écoutés du début à la fin, les réactions manquant à l'appel, les sentiments aux abonnés absents. Elle croyait qu'il lui apportait un équilibre, mais lequel ? Il n'y avait rien de moins stable que la tête d'Andrew Seamore. C'était un bordel monstre et une peine lourde à supporter, trop de pensées, trop de réflexion, trop de choses à traîner. Elle pensait à un équilibre, mais s'il n'existait pas, alors se faisait-elle magicienne en le créant ? Elle croyait en un équilibre, mais si équilibre il n'y avait pas, ne se débrouillait-elle pas pour le façonner en se consolant sur le pauvre Andrew ? Si oui, si non, et au final, qu'est-ce, que sommes-nous ? Et ces milliers de choses qui se bousculaient en une valse désolante entre ses neurones l'épuisait de plus en plus. Et ce trop plein de tout qui noyait petit à petit l'insupportable cerveau. Il aurait aimé la paix, une fois en vingt-six ans, il aurait aimé une nuit complète, un peu de paix, du répit, juste, le temps d'une seconde, perdre ces connaissances qui ne savaient rester en place dans sa tête sans s'entremêler à ses pensées, sans se mélanger à ses souvenirs. Il joua négligemment avec les mèches incarnadin qui filaient souplement entre ses doigts alors que les mots s'inscrivaient dans un coin encore libre au fin fond de sa boîte crânienne, qui se marquaient de cette catégorie des choses qu'il avait du mal à oublier, des choses qu'il voudrait parfois oublier. Il n'enchaînerait pas sur le pourquoi, il ne s'enfoncerait pas dans un comment, il ne s'abandonnerait pas aux questions qui doucement le mèneraient au large, qui le rapprochaient de ce risque de la perte, du danger de la corde sensible, de la zone minée. Il s'était contenté, silencieux, de tracer du bout des doigts une natte très mal faite dans les cheveux de Tatiana. La coiffure n'était pas dans son domaine. Finalement, il finit par la relâcher, et, s'étendant lentement, il cala sa tête près des pieds de la jeune femme. Le silence s'était empreint d'une fatigue paisible et, les yeux à demi-ouverts, le regard de jade se heurta aux meubles de l'appartement.
    — C'est dur, tu trouves pas ? De vivre. Un silence. Il chatouilla vaguement ses orteils. On est propulsés dans un tas d'obligations auxquelles on ne peut pas couper. Réfléchir, parler, se déplacer, s'entretenir. Faire les courses, faire le ménage, ranger, bosser, étudier, bosser encore. On jongle comme on peut avec ça, certains sont très bons à ça et se permettent même de rajouter des « Entretenir son couple » et « Fonder une famille » dans le lot. Et puis après... Il y a toi et moi.
Il lui lança un sourire un peu vague alors que Waffel revenait sagement s'étendre sur son ventre.
    — Il y a toi qui a peur de se noyer dans son travail à trop s'oublier elle-même, et il y a moi qui... Je ne sais pas, est-ce que c'est seulement qualifiable ? Il hésita. Après il y a moi pour qui la vie s'obstine à refuser de me faire travailler, même quand j'essaye. Des fois. J'ai pas particulièrement envie de parler de ça en fait, on va faire comme si je n'avais rien dit, d'accord ?
Il essuya le sourire un peu maladroit qui se traça compulsivement sur ses lèvres alors que ses doigts plongeaient dans la fourrure tendre du félin. C'était des sujets obscurs dans lesquels il tombait trop facilement, dans lesquels il ne voulait pas tomber. C'était typiquement le genre de choses qui encrassaient son cerveau à y camper leur malveillance. C'était un peu contre son gré et pourtant il ne pouvait pas empêcher cette bombe à retardement, cette machine qui ne cessait de tourner, jour et nuit, au fond de sa tête. Il avait essayé un peu tout pour que ça s'arrête, rien à faire — il était donc condamné à penser jusqu'à la fin de ses jours. Quelle triste peine. Rattrapé par des songes, échappé de justesse de l'inquiétude, il finit par se redresser près d'elle. Son regard s'était soudainement encré profondément dans le sien, ses bras s'étaient penchés près d'elle.
    — Je promets que je te laisserai pas travailler, après tu seras en retard dans ton boulot et tu me maudiras jusqu'à la fin de tes jours.
Un peu songeur, il se rallongea, près d'elle néanmoins, et, les yeux clos alors que le chat martelait leurs estomacs, il esquissa un sourire calme.
    — Je te laisserai pas tomber.
Même si ce n'est pas pareil, même si je ne suis pas lui, même si ce n'est pas de moi dont tu as besoin. Il ne jouerai pas celui qui moralise, il ne ferait pas celui qui veille. Il resterait simplement qui, là, calé contre Tatiana, posé contre celle qu'il fuit un peu trop, elle pourrait poser sa tête sur son épaule, souffler, et repartir. C'était son rôle, il le savait, c'était tout ce qu'il voulait, pour elle comme pour lui. Rien de plus, rien de moins. « Je le promets », il le promit. Il ne voulait pas la laisser sombrer. Il s'en serait voulu. Un peu. Il croyait. A vrai dire, il n'en était pas sûr. Il aurait fait comme pour tout, aurait oublié sa culpabilité en fuyant le sujet, encore, toujours. Il aurait fait comme pour tout, il serait passé à autre chose en se drapant dans ce rôle de bâtard sans cœur, de connard inchangé et inéchangeable. Il le reconnaissait sans peine : il les fuyait pour mieux les oublier. Jusqu'ici, ça avait toujours marché. A peu près. Ça ne disparaissait jamais vraiment, ça ne s'effaçait jamais totalement. C'était plus comme des répits et des échéances supplémentaires pour des choses qu'il ne voulait pas affronter, pour tout un tas de machins qu'il reportait à plus tard, dont, au final, il ne s'occupait jamais. Ou jamais assez ? Ou jamais vraiment ? Ou jamais volontairement ? Oui, voilà. Jamais comme Andrew le voulait, quand il le voulait. Son cerveau fonctionnait indépendamment de ses envies. Son cerveau qui le taraudait de souvenirs dès qu'il tombait dans une faille, dès qu'il trébuchait, presque pour l'achever de lui-même, son cerveau qui, dès que le terrain était propice, dès que le doute arrivait, dès que la crainte revenait, en profitait pour briser la fragile cage à souvenirs, de ses parents, de la petite sœur, la cage des souvenirs un peu trop nombreux, un peu trop variés, un collègue par ci, des gens vagues par là. C'était des éclairs très brefs, comme un trait rapidement tracé au travers de son âme, et libre à lui de le suivre, et libre à lui de l'ignorer.

Trop souvent, Andrew avait fui des choses qui voulaient s'échapper de ses lèvres, des cabrioles vocales, des haussements d'épaules. Des talents d'acteur et une maîtrise de sujet, c'était tout ce qu'il lui fallait. Trop souvent, pourtant, il ne savait pas tout contenir, il y avait toujours un mot qui disparaissait, qui passait par-dessus le bord de ses lèvres, à se plonger dans l'océan d'une conversation qu'il ne voulait plus entretenir. C'était trop souvent, aussi, avec Tatiana, qui, il fallait le reconnaître, devait avoir le don inconscient de le mener directement face à ce qu'il voulait faire disparaître, face à toutes ces choses qu'il ne voulait plus connaître. Tatiana devait avoir plusieurs dons sans le savoir, au final. Tatiana était trop différente. Tatiana était trop loin, trop inconnue pour lui, trop disparate par rapport à lui. Lui qui lisait dans les gens comme dans un livre ouvert, elle semblait être hermétiquement fermée à toutes les choses auxquelles ils se raccordaient. Elle envoyait valser son intelligence, elle brisait ses déductions, elle cassait, au fond, tout ce dont il aurait pu se servir pour la détacher de lui. Un autre don. Tatiana était celle qu'il ne fallait pas pour un type aussi discordant, tellement discordé. Tatiana était celle qui avait tout ce qu'il n'avait pas. Andrew, il avait déjà tout donné. Il avait déjà épuisé toutes ses ressources, il ne lui restait que ce peu de choses, et elle, elle arrivait comme ça, elle débarquait comme une fleur, elle, sans rien faire, foutait en l'air ses milliards de défenses, ses centaines de stratégies. Andrew, il avait déjà tout donné et on lui avait honteusement piétiné. Il les avait laissés derrière lui, sur le bord d'une route d'Angleterre, sur le chemin d'un aéroport. Il ne comptait pas les récupérer. Et elle ne le ferait pas pour lui. Aussi douée soit-elle, jamais, au grand jamais il n'irait chercher à être encore une fois celui qui fait des efforts. Aussi adorable soit-elle, jamais, au grand jamais il ne redeviendrait celui qu'il ne voulait pas.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeVen 18 Mai - 12:47

    — Il y a toi qui a peur de se noyer dans son travail à trop s'oublier elle-même, et il y a moi qui... Je ne sais pas, est-ce que c'est seulement qualifiable ? Après il y a moi pour qui la vie s'obstine à refuser de me faire travailler, même quand j'essaye. Des fois. J'ai pas particulièrement envie de parler de ça en fait, on va faire comme si je n'avais rien dit, d'accord ?

    On devait faire comme s'il n'avait rien dit, alors on ne dirait rien. Tatiana ne broncha pas, un peu trop perdue dans ses pensées. Elle venait de passer plusieurs étapes d'émotions habituelles chez l'humain. Elle avait commencé par le néant. La surprise, ce qui vous laisse sans voix. Elle était passée par le déni, une sorte de « c'est pas possible, c'est une blague ». De là, elle était passée par la raison, une sorte de « Allez reprends toi et réfléchis » mais toujours dans la panique et la précipitation. Enfin, elle avait atteint le seuil d'acceptation en se disant que c'était comme ça et qu'il faudrait bien faire avec, qu'elle n'avait pas le choix. A présent, elle était dans une espèce d'état léthargique, elle ne pensait plus vraiment à tous les ennuis qui se préparaient doucement devant elle. Non, la jeune femme était en train de penser à elle et à ses choix. En effet, elle avait le sentiment de toujours faire les mauvais choix depuis quelques années. Et quand bien même ceux là paraissaient être les bons, le revers de la médaille se faisait rapidement sentir. On ne pouvait pas dire qu'elle avait fait le mauvais choix en proposant ce job à Aber. Non, pas du tout. Elle avait plutôt fait le mauvais choix de l'avoir choisi lui comme le garçon qu'elle aurait aimé avoir dans son coeur. Qu'est-ce qui l'avait séduite, au fond ? Elle ne connaissait rien de lui si ce n'est quelques détails un peu inutiles. Ses études, son parcours scolaire et professionnel chaotiques, son physique qu'elle avait pu voir et revoir maintes et maintes fois, sous toutes les coutures. Il n'y avait que cela pour justifier l'attirance qu'elle avait pour lui. Son physique qui lui rappelait un peu trop Kurtis, le seul et unique garçon de son coeur. Longs cheveux foncés, tatouages, sourire ravageur, grand, mince mais pas trop maigre, bien tracé, une dégaine un peu trop rock'n roll. C'était tout ce qui plaisait à Tatiana. Et quand elle choisissait ce qui l'attirait au plus haut point, elle était certaine de foncer droit dans le mur. « Ça ne marche qu'avec les moches, ou quoi ? » s'était-elle plusieurs fois demandée. Ou alors, est-ce que l'amour, le véritable amour, Celui qui est passionné, intense, puissant à l'intérieur mais discret à l'extérieur se trouvait juste sous ses yeux ? Trop aveugle et trop bornée pour le voir, est-ce que le destin lui donnait des signes évident qu'elle faisait fausse route ? Peut-être. Et c'était à ça qu'elle pensait réellement.

    Elle bougea ses petits orteils au contact des doigts d'Andrew, ce qui la sortit véritablement de ses songes. Elle posa le regard sur lui. Aucune expression. Elle ne souriait pas, elle ne ronchonnait pas. Elle le regardait, l'air quasiment hagard. L'air un peu trop réfléchis pour que cela plaise à Andy. Elle le contempla et fit le lien avec ses pensées d'avant.

    - Je te laisserai pas tomber.

    Elle le savait. Du moins, elle l'avait espéré au plus profond d'elle-même. Il était le seul à le lui avoir clairement dit et à avoir tenu parole sans extravagances. Il avait été là, depuis toujours, depuis leur rencontre. Certes à sa façon, certes pas toujours de la façon dont elle aurait aimé mais il était là. Elle ne cessait de le contempler, ses pensées se faisaient de plus en plus nombreuses, des réflexions, des sortes d'illuminations qui lui paraissaient tout à coup très évidentes. Et si c'était lui ? Si c'était Andrew que le destin avait choisi pour elle ? Elle ne s'était que brièvement posée la question auparavant. Elle n'avait pas étudié la question avec énormément d'attention, c'était plus pour rire, plus pour se rassurer, se dire que si il n'y avait personne c'était parce-que c'était Andrew Seamore. Et si tout ça était simplement vrai ? Elle passait le plus clair de son temps avec lui, à présent. Et avec la baisse de boulot qui s'annonçait, plus son petit plan séduction qui tombait à l'eau, elle serait encore plus souvent collée à ses baskets. Pourtant, elle ne se sentait pas amoureuse de lui. Elle ne savait même pas si elle se sentait véritablement attirée par lui. Si, sûrement un peu. Il était beau gosse, il sentait bon et elle aimait bien ses bras. Mais pas assez pour l'obséder, pas assez pour qu'elle s'en soit aperçue avant. Néanmoins, elle n'aurait pas aimé être remplacée. Depuis quelques mois, on ne pouvait pas dire qu'Andrew avaiit fréquenté énormément de filles. Ni de gens tout court à mon avis. Mais Tat' était la seule personne qu'il supportait autant. La seule qu'il laissait pénétrer dans son monde, dans ses demi secrets. Elle avait vu beaucoup de choses de lui. Son appartement, déjà. Sa bibliothèque qu'elle avait même pu fouiner. Elle avait vu des parties de lui dont elle était persuadée que personne ne connaissait. Hors mis quelques exs ? Sa famille ? Elle n'en savait rien. Elle savait juste qu'elle était la seule vraie fille, la seule femme à fréquenter Andy de cette manière. La seule qui le touchait comme elle le touchait. La seule qui le regardait comme elle le regardait. Et peut-être même la seule qu'il regardait tout court. Elle se demandait s'il avait déjà pensé à tout ça lui aussi. Ils ne parlaient jamais d'eux. Il n'y avait pas de séduction, de jeu, de « qui va toucher l'autre en premier » ni de « je dois être belle pour lui plaire ». Ils s'étaient acceptés tels quels. Elle aimait cet aspect de leur relation. Elle aimait beaucoup de choses de leur relation.

    Andrew n'était pas l'homme de ses rêves. Andrew n'était pas fait pour la vie de couple, pour les niaiseries des filles. Elle le savait et elle l'acceptait. Elle ne se serait probablement pas retournée sur lui dans la rue, elle n'aurait sans doute pas tenté de lui plaire à la terrasse d'un café. Et pourtant, là, maintenant, tout de suite, ça lui semblait évident que c'était lui. Peut-être pas lui pour toute la vie. Peut-être pas lui pour vivre un mariage, des enfants, une maison, un boulot de fou, des nuits torrides dans l’hôtel du coin tous les week-ends ou des vacances en amoureux sur une plage des caraïbes. Non, ça c'était même certain que pour tout ça, ce ne serait jamais lui. Mais peut-être pour de l'amour sincère, pour des moments comme ceux-ci, au calme, à se regarder, à s'amuser de l'autre et à s'aimer sans le dire. De la sincérité et uniquement de la sincérité. Rien de surfait, rien de grandiose, rien de trop magique, rien de trop beau. Un aspect misérable, un air de rien, un faux malheur, une fausse moche vie. Mais tout de vrai. Tout de trop vrai pour pouvoir renoncer. Et si elle laissait passer ça ? Si elle donnait l'occasion à une autre nana de lui prendre toute la sincérité d'Andy ? Tout ce qu'elle avait toujours désiré et dont personne ne pourrait profiter pleinement. Elle avait tout vécu, elle savait le malheur, la douleur, le mensonge. Elle savait l'aspect destructeur de l'amour un peu trop féerique que pour être vraiment vrai. Elle s'en voudrait de laisser couler ce sable entre ses mains. Elle avait tout donné, tout d'elle, tout puisé dans ses ressources humaines. Elle ne se sentait plus d'attaque à faire rêver un mec, qui qu'il soit. Et elle pensait qu'avec Andrew, il n'y avait pas lieu. Il l'aimait déjà pour ce qu'elle était, non ? Elle n'aurait pas besoin de se faire belle tous les soirs pour ne pas le perdre, elle n'aurait pas besoin de le surprendre tous les week-ends pour qu'il s'amuse et l'appelle le lendemain. Elle n'aurait pas besoin de s'épuiser parce-qu'il la connaissait et qu'elle ne pouvait plus rien lui cacher. Même pas son haleine du matin. Ils étaient tous deux des désillusionnés des relations, de ce qui se fait appeler amour. Elle y croyait plus que lui tout de même mais elle ne se faisait plus d'idées. Et elle en avait encore eu la preuve avec Aber quelques minutes plus tôt.

    Comment faire à présent qu'elle s'était rendue compte de ça ? Comment aborder le sujet sérieusement sans qu'il se ferme, sans qu'il se remette à rire ? Comment, comment, comment ? Tout était si clair pourtant, si évident dans son esprit.

    - Andrew. Commença-t-elle. Elle cherchait ses mots. Elle ne les voulait pas trop forts, pas plus que ses vraies pensées. Tu crois pas que... Comment dire. Que c'est peut-être ensemble qu'on doit finir ?

    Les mots étaient justes. Un peu surprenants, certes. Un peu directs. Mais vrais. Ils résumaient un peu tout ce qu'elle avait pensé ces longues dernières minutes. Pourtant, une fois que ces sons avaient résonné dans la pièce, ils avaient paru mal placés. Ils faisaient tâches et tout ce qui semblait si évident auparavant, semblait maintenant totalement stupide. Merde. Il allait se fermer comme toujours. Sujet trop sensible. Conne !

    - Heu. Oublie ce que je viens de te dire. C'est stupide.

    Elle ferma les yeux vers le plafond, l'air de rien. Elle se détestait. Elle s'en voulait. Tu parles trop bon sang, arrêtes toi un jour. Ça te perdra.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeDim 20 Mai - 2:03

Ce petit rien qui nous lie
Aux autres quand ça ne va pas
Un ultime langage de survie
Qui remet le monde à l'endroit

Les mots étaient tombés comme un coup de fouet. La question était arrivée comme un coup de tonnerre hasardeux, comme un ouragan aux airs de rien. Ils avaient été choisis soigneusement, ils avaient été hésités, ils avaient été cherchés. La pensée s'était traduite avec maladresse et les yeux de Tatiana avaient fui ses propres phrases. Ça avait eu l'air de rien comme ça, rien qu'une simple question, juste un peu de curiosité, peut-être un peu d'arrière-pensées. Ça avait eu l'air de rien, annoncé comme ça, et pourtant Andrew avait tiqué, et pourtant, sans s'en empêcher, Andrew avait relevé. Il avait relevé le demi-ton, les questions sous-entendues. Il ne les avait pas affirmées et pourtant ça tournait en boucle dans sa tête — tu n'es pas sérieuse ? Il ne les avait pas assurées et pourtant, il avait soudain le sentiment de devoir inévitablement lui faire du mal. Que faire ? La question était là, la question était posée. Que faire ? Lui qui avait pourtant toujours laissé le courant le mener où bon lui semblait, lui qui s'était toujours laissé porté par une vie que la vie elle-même décidait pour lui, une passivité opiniâtre désespérément accrochée à lui, il se retrouvait maintenant propulsé au premier plan, contraint de choisir, contraint de parler, contraint d'agir. Tatiana avait regretté, dans un regard fuyant, dans des mots trop légers, elle s'était rétractée dans un embarras hésitant. Elle avait fixé le plafond et il avait su y voir cette chose qui culpabilise, cette chose qui se maudit mille fois. Elle avait échappé à ses yeux dans l'espoir qu'il n'y lise plus rien et, paradoxalement, il y retrouva toutes ces choses qu'il ne connaissait que trop bien. Paradoxalement, honteusement, il n'accepta même pas de s'y confronter. Ses yeux à lui convergèrent dans la direction opposée dans un silence un peu trop lourd, dans un vide un peu trop dur. Dis quelque chose. C'est la moindre des choses. Même si c'est un « Je ne t'aime pas », même si c'est un « Je ne veux pas », dis quelque chose. Il n'y aura rien pour te sauver, tu n'auras rien à quoi te raccrocher. Rien pour t'excuser. Rien pour te défiler. Tu seras l'unique responsable, l'unique fautif. Tu seras, pour une fois, celui qui risque quelque chose. Alors parle.
    — Pourquoi ?
Pourquoi. Il avait dit ça alors que son regard n'avait même pas quitté le mur à sa gauche. Pourquoi. Pourquoi pas, ourquoi moi, pourquoi toi, pourquoi nous, pourquoi faudrait-il qu'il y ait un nous ? Pourquoi et c'était un mot empli de sens à qui sait le reconnaître. Pourquoi et c'était un mot vide de tout dans les lèvres d'un type qui ne sait que dire, d'un mec qui parle parce qu'il doit. Pourquoi et c'était une foule de choses auxquelles il ne pensait pas, pourquoi, et c'était la seule chose qu'il pensait. Rien devant. Rien derrière. Pourquoi ? Un silence qui revient au rythme de ce sourire qu'il n'avait su retenir. Le sourire un peu amer, le sourire sans joie. Le sourire qui blesse sans voir. Le sourire un peu compulsif, le sourire qu'il ne savait s'arracher. Le sourire des situations creuses, de toutes ces fois où il ne savait jamais comment faire, quoi faire, pourquoi faire. Il ne se moquait pas d'elle, pourtant, il ne voulait pas la blesser, il ne voulait pas la heurter. Au final, devrait-il ? Au final, pourquoi devrait-il ? Au final, oui, pourquoi ?
    — Pourquoi moi ? Pourquoi toi et moi ?
Le silence qu'on brise en mots qui cassent encore plus, qui brisent encore un peu plus ce lien si fragile qu'il avait durant un court instant voulu préserver. Il n'avait osé la regarder dans les yeux en fichant encore un peu plus tout en l'air, comme d'habitude, comme un peu toujours. Il en avait pris l'habitude et ça semblait pourtant faire un peu plus mal, et ça semblait être un peu plus violent. Il en avait pris l'habitude et pourtant il avait su se persuader que Tatiana serait différente, qu'il ne voudrait pas la laisser, qu'il ne voudrait pas l'abandonner, que, sinon, il s'en voudrait. Conneries. Connerie que de croire qu'il saurait s'attacher. Connerie que de le vouloir, aussi. Connerie de s'être excusé. Connerie de s'être accroché. Connerie d'être venu, de ne pas avoir voulu repartir, de ne pas avoir réagi. Connerie de ne jamais ouvrir les yeux au bout de vingt-six ans. Il ne dit rien de plus et le silence s'était fait lourd, et le calme s'était fait pesant. Il aurait pu se lever et partir, il aurait pu la repousser et s'en aller. Mais il y avait cette foutue paralysie qui le clouait au fond d'un canapé où il n'aurait jamais voulu être, frappé douloureusement de cette transition qu'il ne voulait pas. Il ne voulait pas que ça change et il voulait aussi que ça progresse, il ne voulait pas de ces notions qu'il n'acceptait pas, il ne voulait pas de ce nom, de ce couple qui ne ferait, assurément, que l'enfoncer davantage, que le risquer à se blesser. Le silence était revenu à une nouvelle reprise et pourtant il y avait cette foule de questions qui irriguaient la vieille amertume d'Andrew Seamore, la chère appréhension d'Andrew Seamore. Et si je réponds, qu'en seras-t-il ? Pourquoi répondrais-je, que gagnerais-je, qu'obtiendrais-je, si je réponds, à quoi bon ? Et tu ne crois pas que c'est un peu hâtif ? Et tu ne crois pas que c'est un peu étrange ? Et tu ne crois pas que ce n'est pas moi que tu veux ? Le sourire s'effaça finalement. Finalement, il osa le contact visuel, il osa le regard, il osa chercher ses yeux. Il osa, un peu pour la première fois, voir les choses en face. Tirer tout au clair. Assumer. Il osa, peut-être pas tout à fait de façon volontaire, peut-être pas tout à fait de façon consentie, regarder en face tout ce qu'il ne voulait pas.
    — Tatiana. Il se pencha vers elle. Je ne vais pas te dire que je t'aime, je ne te ferai pas cette offense. Je ne vais pas te dire que je suis fou amoureux de toi, que j'ai toujours rêvé de sortir avec toi. Je ne serai pas si odieux, et tu te diras sûrement qu'il n'y a rien de plus odieux que ce que je viens de te dire, mais, au fond, je préfère que tu foutes une bonne paire de tartes à mon honnêteté que de te mentir et te blesser. Je suis pas de ceux qui joueront vulgairement avec toi pour en tirer un profit quelconque ni un dégueulasse sentiment de supériorité. Je mens comme je respire, je suis agaçant, je suis un connard, mais je ne suis pas un salaud. Pas comme ça, tout du moins. La voix était calme et, le regard fixe, il ne détacha pas les yeux d'elle, comme ancré d'une vérité franche. Par contre, je te dirai sans honte que moi je serai toujours là, même si c'est un peu maladroit, que moi je ne te laisserai pas sur le bord de ta merde, que, même si j'ai pas la compagnie très agréable, je t'accueillerai à bras ouvert. Je te dirai sans honte, aussi, que je te considère peut-être un peu plus qu'une amie. Juste peut-être un peu moins que ce que tu attends. Je ne sais pas, moi je vois les morts, je ne lis pas dans les pensées.
C'était sorti tout seul, des pensées mises en paroles, des réflexions spontanées à l'état brut, pas forcément claires, pas toujours très logiques. Mais honnête. Indéniablement honnête. Sans trop réfléchir, il embrassa son front, un peu plus doucement, un peu plus sincèrement qu'il le devrait.
    — C'est pas parce que je ne ressens pas ça qu'il n'y a rien d'autre à la place. Je te servirai d'accoudoir officiel si tu veux. Et t'auras même le droit exclusif de squatter mon canapé si ça ne va pas.
Silence. Il ferma les yeux face à une vérité trop dure à assimiler. Demi-mots et voix basse.
    — Ce n'est pas parce que je ne suis pas amoureux de toi que je ne t'aime pas.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeMar 22 Mai - 12:30

    - Pourquoi moi ? Pourquoi toi et moi ?

    Tatiana restait figée sur le plafond. Elle ne répondit pas à Andrew simplement pare-qu'elle n'avait aucune réponse à lui fournir. Aucune vraie réponse qui puisse justifier sa question. Aucune vraie réponse qui puisse convaincre qui que ce soit du bien fondé de cette relation. Tout lui paraissait fondé et sensé, sans sa tête. Pourtant, elle n'avait pas les bons mots, pas la bonne manière de les dire. Elle n'avait pas de recette magique magique pour enjoliver les garçons. Elle n'avait pas le tact qu'il fallait à Andy, elle n'avait pas des yeux de biche qui laissaient rêver même les plus perplexes. Tant pis. Alors elle gardât le silence. Silence qui commençait à devenir pesant, autant pour elle que pour les murs.

    - Tatiana. Je ne vais pas te dire que je t'aime, je ne te ferai pas cette offense. Je ne vais pas te dire que je suis fou amoureux de toi, que j'ai toujours rêvé de sortir avec toi. Je ne serai pas si odieux, et tu te diras sûrement qu'il n'y a rien de plus odieux que ce que je viens de te dire, mais, au fond, je préfère que tu foutes une bonne paire de tartes à mon honnêteté que de te mentir et te blesser. Je suis pas de ceux qui joueront vulgairement avec toi pour en tirer un profit quelconque ni un dégueulasse sentiment de supériorité. Je mens comme je respire, je suis agaçant, je suis un connard, mais je ne suis pas un salaud. Pas comme ça, tout du moins. Par contre, je te dirai sans honte que moi je serai toujours là, même si c'est un peu maladroit, que moi je ne te laisserai pas sur le bord de ta merde, que, même si j'ai pas la compagnie très agréable, je t'accueillerai à bras ouvert. Je te dirai sans honte, aussi, que je te considère peut-être un peu plus qu'une amie. Juste peut-être un peu moins que ce que tu attends. Je ne sais pas, moi je vois les morts, je ne lis pas dans les pensées.

    Il s'était penché vers elle et elle n'avait pourtant pas bronché. Elle ne voulait plus le regarder, elle se sentait bête. Elle aurait du garder sa question pour elle même, sans jamais y trouver de réponse parce-que la réponse, elle la connaissait déjà. Elle ne savait même pas ce qui lui avait pris, au fond de se mettre à réfléchir à tout ça. Réfléchir, c'est mal. A croire qu'Andy l'avait compris et qu'il préférait jouer l'idiot plutôt que de se retrouver dans des situations comme ça. Comme celle qu'elle venait de créer alors que tout allait bien. Que, pour une fois, il se sentait bien, qu'ils plaisantaient ensemble tout en abordant des sujets plus ou moins sérieux. Elle était agacée d'elle-même, agacée de son cerveau, agacée de sa bêtise de femme. Elle savait qu'elle était son amie. Elle savait... Elle savait.

    Aussi légère qu'une plume elle se retourna, appuyant sa joue sur le dossier du canapé. Elle rouvrit enfin les yeux, mais son regard se faisait lointain. Elle ne voulait pas polémiquer, elle ne voulait plus risquer ce genre de conversation trop légère.

    - Laisses, je te dis. C'était stupide.

    C'est tout ce que tu auras Andy. Rien de plus, rien de moins. Elle était désolée mais elle ne le dit pas. Elle jouait le jeu de son ami à présent. Il lui avait fallu ça pour comprendre ce qu'il vivait, comme il fonctionnait et pourquoi. Ce n'était qu'elle était blessée. Non, en fait elle n'avait pas écouté l'entièreté du discours qu'il venait de lui pondre.

    - C'est pas parce que je ne ressens pas ça qu'il n'y a rien d'autre à la place. Je te servirai d'accoudoir officiel si tu veux. Et t'auras même le droit exclusif de squatter mon canapé si ça ne va pas.

    Nouveau silence.

    - Ce n'est pas parce que je ne suis pas amoureux de toi que je ne t'aime pas.

    Oui, oui, oui. Elle savait, elle savait. Elle était agacée par lui, par elle, par tout ce qui se trouvait dans cette pièce. Par la situation. Par tout. Elle aurait aimé trouver un trou de souris et s'y cacher. Qu'est-ce qu'elle voulait au fond ? Elle ne le savait même pas. Sur le coup elle aurait aimé Andrew. Puis non. Aber ? Non plus. Personne et quelqu'un à la fois. Quoi ? Qui ? Quels étaient ses besoins ? Ses vrais besoins et pas la superficialité dans laquelle elle baignait. Elle aurait aimé hurler, pleurer, rire, frapper, caresser, chanter, souffler, respirer, oublier.... Tout à la fois. Et tout ce qu'elle était capable de faire c'était rester là, dans ce canapé, silencieuse. Des émotions indéfinissables, des envies qu'elle ne pourrait jamais assouvir ou qu'elle devrait enfouir loin, très loin en elle. Devrait-elle devenir une de ces dames sans coeur, un peu trop bonnes, un peu trop allumeuses ? Une de ces filles qui ne peut plus aimer, seulement charmer ? Elle ne voulait pas. Elle avait toujours fuit ça. Et pourtant, elle avait comme l'impression de sentir une petite cage d'acier se refermer dans sa poitrine.

    Ce n'était pas le refus d'Andrew en particulier, plutôt une règle générale à laquelle elle n'échappait plus depuis quelques années. Tout filait entre ses doigts et les décisions qui lui semblaient bonnes, celles pour lesquelles elle avait pris patience et détermination, une fois lancée, coulaient entre ses doigts, comme un sable fin qui ne demande qu'à rejoindre l'océan. Ses paupières se refermèrent sur le néant et seul un léger souffle, discret mais bien présent s'échappa de ses lèvres.

    Elle s'était noyée.

    Consciente du malaise présent dans la pièce depuis quelques minutes elle se leva pour rejoindre sa salle de bain, juste de quoi se passer un peu d'eau sur le visage et reprendre le fil d'idées normales. Elle revint en tentant au mieux de chasser toutes ces idées noires, tristes et un peu folles de sa tête. Elle planta entre le divan et le mur voisin et pose les deux mains sur ses hanches, les yeux rivés sur son ami.

    - On fait des crêpes ? Ou des cupcakes. Des cupcakes tout roses que tu emportera chez toi et qui te feront penser à moi, obligatoirement !

    Un fin sourire, pas tout à fait sincère, mais pas tout à fait faux.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeJeu 31 Mai - 17:02

Tu l'aimes, je passe et puis plus rien

Tatiana avait disparu. Pas directement, pas totalement, mais elle avait disparue. Ça ne ressemblait plus qu'à un amas de sombres pensées disparates, ça n'avait plus l'air que d'une petite fille un peu perdue, un peu triste, d'une femme qui se voile trop la face. Le sourire avait presque semblé un affront alors qu'elle semblait prête à s'effondrer au premier coup de vent, et, soudainement ramené les pieds sur la réalité, Andrew avait semblé oublier les quelques précautions tant Tatiana semblait fragile. Il avait laissé le sourire effronté et l'ironie imbécile derrière lui, il avait rattrapé un peu de son sérieux, un peu de son réalisme, et, l'air violemment adulte, l'air brutalement mature, il se rapprocha d'elle, les yeux fixés sur cette petite fille piégée dans ce corps de femme. La lourdeur de l'atmosphère avait semblé le tirer de sa léthargie émotionnelle et, dans une douceur maladroite, dans une attention nouvelle, il posa sa main sur les cheveux roses, il effleura les mèches claires qui filaient entre ses doigts, et, finalement, ses yeux se reposèrent sur elle, un peu moralisateur, un peu accusateur, indépendamment de sa volonté, un peu amer. Elle avait juste l'air égaré, prise au piège dans des choses qu'elle ne voulait pas, qu'elle ne voulait plus, parce qu'elle en avait assez de tout ça. Elle avait juste l'air faux, elle avait juste l'air distant, comme si, brutalement, elle s'était arrachée à cette réalité qu'elle affectionnait tant. Ce fut la chose qui le marqua le plus. Au-delà du malaise ambiant, au-delà de ses déclarations maladroites, au-delà de son regard fuyant, ce fut Tatiana qui perd espoir qui le marqua le plus. Il ne savait même plus quoi en dire, quoi en faire, de cette attitude un peu responsable qu'il s'était donnée, il ne savait même plus comment faire. Ça venait à l'état brut dans sa tête, il savait, il voyait, jusqu'à la révélation, jusqu'à la triste réalisation. Ça lui avait presque fait mal de comprendre ça et, pourtant, indéniablement, c'était la seule chose à constater. Elle était comme ça, et il ne le voulait surtout pas. Elle était comme ça, et surtout, surtout, il ne fallait pas.
    — Tatiana. Il marqua un temps d'arrêt. T'es pas obligée de faire ça. Ça ne te va pas. Tu te forces, même un aveugle le verrait. Je préfère que tu me dises de foutre le camp, que tu me dises que tu souffres, que je t'ai fait souffrir, plutôt que d'essayer de garder la face aussi maladroitement. Je voudrai pas que tu deviennes comme ça à longueur de journée, tu comprends ? Je voudrai pas que tu te foutes en l'air au prétexte d'un truc qui fait mal. Je veux dire. Je me doute bien que c'est à cause de ce sms d'Aber, je me rends bien compte que c'est pour ça que tout se passe de cette façon là. Le problème, Tatiana, c'est qu'après tu agis comme tu viens de le faire, et que pire encore tu continueras parce que tu trouveras ça tellement plus facile que tu ne voudras plus arrêter.
Un sourire amer se traça au coin de ses lèvres, presque compulsivement, presque irrépressiblement, et, du bout des doigts, il repoussa une mèche incarnadin derrière ses oreilles.
    — Le problème, Tatiana, c'est que tu deviens comme moi...
C'était dit. Il l'avait réalisé, il l'avait constaté. Elle devenait comme lui, et c'était triste à voir. Il aurait voulu lui dire énormément de choses et pourtant ces quelques mots-là avaient semblé demander un effort surhumain, et pourtant ces quelques mots-là avaient tout dit, lui avaient tout révélé. Il ne voulait pas qu'elle devienne comme lui. Purement. Simplement. Ne deviens pas comme moi. Parce que si elle savait, Tatiana, si elle savait, que ferait-elle ? Si elle savait, Tatiana, comment c'était vraiment chez lui, comment ça tournait réellement dans sa tête, si elle savait, Tatiana, à quel point Andrew Seamore était foutu en l'air. Si elle savait — et elle ne devait pas savoir. Elle avait encore toutes ses chances, Tatiana, elle était encore un peu libre, encore un peu gaie, et ça l'aurait presque blessé de la voir se faner et finalement mourir à petit feu. C'était une femme de passion, Tatiana, ça se voyait, ça se sentait, c'était une femme qui vivait et qui avait ce besoin irrépressible de vivre. Elle ne pouvait décemment pas manquer d'amour sinon c'était tout qui s'effondrait, elle ne pouvait simplement pas être seule — et Andrew se le répétait avec toute la sincérité du monde, c'était un affront de laisser une fille pareille si seule. Et elle se retrouvait finalement avec ce sourire défaillant aux lèvres, avec ces idées dans la tête, avec ce poids dans la poitrine, et elle se retrouvait à faire bonne mine pour ne pas tomber, à garder la face pour ne pas sombrer. Il avait voulu la rattraper dans sa chute, il avait voulu la sauver avant qu'elle ne touche le fond, comme un impératif immédiat, comme un devoir imminent, et, alors que ses mains s'éloignaient du visage de lait, il avait eu le sentiment un peu maladroit d'avoir au moins accompli quelque chose, même si ce n'était pas parfait, même si ce n'était pas tout à fait ce qu'il voulait. Ce n'était qu'un secours temporaire, après tout, ce n'était qu'une aide provisoire — elle trouverait mieux que lui, plus adapté que lui. Ce n'était pas comme si c'était difficile. La fuite l'avait à la fois allégé d'un poids poussé dans une situation délicate. Il fallait s'en tirer. Et, ironiquement, il fit ce qu'il avait interdit à Tatiana — garder maladroitement la face. Il essuya la discussion d'un sourire plus posé et plus sincère et, jetant un œil furtif à la cuisine, l'invita finalement à l'y rejoindre. La cuisine semblait un plan de secours, un défouloir un peu plus reposant que les crises de nerfs, une activité un peu plus intelligente que faire le légume au fond d'un canapé.
    Bref. Je préviens que je suis très mauvais en pâtisserie, je sais juste faire des gaufres. Une fois j'ai fait des muffins et ils étaient tellement difformes que même Quasimodo se serait moqué d'eux. Tu vas m'apprendre, alors, c'est un ordre.
Marquant une pause, il finit par sourire un peu plus sincèrement et vola un baiser sur son front.
    — C'est énervant, hein ? Il retroussa péniblement les manches du pull noir. De se faire faire la morale par un abruti bien trop mal placé pour parler. T'as exceptionnellement le droit de me taper avec tes tous petits poings, je t'y autorise. Par contre, si tu me fais pleurer, tu me feras un gâteau pour te faire pardonner. Je vais juste... Il attrapa prudemment un livre sur une étagère, comme si, petit invité dans cet univers, il avait peur de tout détruire d'un simple toucher. ...Te piquer ton livre de recettes, j'ai voulu l'acheter mais quand j'ai vu le prix, mon porte-feuille s'est mis à pleurer. C'était un vingt-sept, j'étais encore pauvre pour quelques jours. Tu permets ?
Feuilletant vaguement et l'air brutalement fasciné par les pâtisseries qui décoraient le livre, il finit par s'arrêter sur une page et lança un regard à Tatiana en lui montrant la photo sur laquelle il avait jeté son dévolu. Oui, parce qu'Andrew Seamore regarde les photos en premier. Toujours.
    — Ça te dit qu'on fasse ça ? C'est un cupcake mais en plus il est fourré avec je sais pas une connerie super diététique genre du nutella ou du chocolat. Mes yeux et mon estomac approuvent en tous les cas.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeSam 2 Juin - 13:21

    Ses baisers, ses caresses, ce regard qu'elle n'avait que très peu connu chez son ami lui donnait l'envie de fondre en larmes. Elle aurait aimé dire et faire tant de choses à la fois que rien ne parvenait à sortir véritablement. Le problème était là. Ses propres émotions l'entravaient. Elle aurait surtout aimé lui dire que tout ne venait pas d'Aber. Certes, ce sms l'avait poussée à réellement réfléchir sur la situation. Mais la situation en question, elle était née bien avant Aber, bien avant qu'elle ose se laisser séduire. Andrew, il était là depuis très longtemps et leur relation n'était en rien comparable à la relation qu'elle entretenait avec Aber. Si on pouvait au moins parler d'une relation ? Purement professionnel, rien de plus. Andrew... Andrew c'était tellement plus que ça, tellement loin de tout ça. Alors qu'il remettait une mèche de cheveux derrières ses oreilles, elle posa son front et ses mains sur son torse, timidement, un peu maladroitement et presque désespérément. Comme pour le retenir, comme pour lui dire qu'elle ne voulait pas qu'il parte. Comme pour faire passer dans un geste toutes ces foutues paroles qui se mélangeaient dans sa tête et qui, une fois révélées, donnaient quelque chose de stupide et confus comme les quelques minutes plus tôt. Est-ce que ça aurait tout changé qu'elle lui précise qu'Aber n'avait rien à voir là dedans ? Est-ce qu'il y aurait seulement cru ? Est-ce qu'il avait préféré tout repousser en se disant « De toute façon, il y a un autre » ? Elle n'espérait pas. Plutôt que de prendre le risque de réentendre des paroles douloureuses, plutôt que de perdre la face et de paraître pour la fille désespérément amoureuse de son meilleur ami, plutôt que de se ranger dans la lignée de filles qui devaient chaque jour frapper à la porte d'Andrew, elle ne dit rien et laissa son esprit vagabonder entre toutes ces pensées nomades, toutes s'accouplant dans le but de trouver une réponse correcte, une explication logique, une issue, une sortie, une fin.

    Elle était planté là, à observer Andy d'un oeil nouveau. Il lui avait fait mal, oui, mais elle ne le blâmait pas. Elle avait connu pire et elle savait très bien qu'il ne lui aurait jamais fait ça volontairement, juste pour le plaisir de la voir pleurer, de la voir penser ou d'entendre ses lamentations pour qu'il reste une heure de plus à ses côtés. Il tenait trop à elle pour lui faire ça, elle le savait même s'il ne le disait jamais. Même si il refusait d'avouer tout ça, tout ce qu'il se passait secrètement entre leurs deux âmes, elle avait encore confiance en lui. Peut-être était-ce simplement sa fierté qui en avait pris un coup ? Andrew était un des rares à lui résister, à la repousser même. Ce n'était pas un jeu entre eux, ça n'en n'avait jamais été un. Ils étaient comme ça. Parfois, elle arrivait à le détester Pas bien longtemps. Parfois, peut-être qu'elle arrivait à lui plaire. Et peut-être que c'était aussi pour ça qu'il se transformait en l'Andrew qu'elle détestait. Celui qui refuse toutes les propositions de sortie, celui qui refuse même de lui faire la bise pour lui dire bonjour. Et puis il y avait des jours comme celui-ci. Où ils étaient amis, un peu sérieux, un peu taquins. Des jours où il laissait sortir sa tendresse, juste pour elle. Finalement elle arrivait toujours bien à ses fins. Elle détailla ses habits en se remémorant qu'il lui en avait demandé de nouveaux. Elle comprenait pourquoi. Tout ça serait vite arrangé après la cuisine.

    — C'est énervant, hein ? De se faire faire la morale par un abruti bien trop mal placé pour parler. T'as exceptionnellement le droit de me taper avec tes tous petits poings, je t'y autorise. Par contre, si tu me fais pleurer, tu me feras un gâteau pour te faire pardonner. Je vais juste...Te piquer ton livre de recettes, j'ai voulu l'acheter mais quand j'ai vu le prix, mon porte-feuille s'est mis à pleurer. C'était un vingt-sept, j'étais encore pauvre pour quelques jours. Tu permets ?

    Elle hocha la tête. Dans la bibliothèque de Tatiana il y avait un peu près trois ou quatre uniques styles de livres. Des livres de cuisine (surtout de pâtisseries colorées), des livres d'amour et des livres de chats. Le reste se composait essentiellement de magazines de mode, de maquillage, de books photos et de fardes de croquis. Elle n'avait pas vraiment le temps de lire, elle n'avait pas vraiment le temps de cuisiner non plus. Mais elle adorait, alors ce n'était rien de perdu. Elle se plaça à côté d'Andrew, regardant page après page ce qu'ils pourraient confectionner de pas trop compliqué, de pas trop long et de bon, surtout.

    - Ça te dit qu'on fasse ça ? C'est un cupcake mais en plus il est fourré avec je sais pas une connerie super diététique genre du nutella ou du chocolat. Mes yeux et mon estomac approuvent en tous les cas.

    Elle parcouru la liste des ingrédients, elle avait tout ce qu'il fallait. Elle n'avait encore jamais fait de cupcakes fourrés, ce serait une première pour tous les deux mais elle accepta.

    - Ca marche. Prends-le et suis moi.

    Elle se dirigea dans la cuisine et sorti plusieurs plats, balance électronique, cuillères, seringues, couteaux ainsi que tous les ingrédients du type farine, chocolat, sucre...

    - Bon... Je propose que tu t'occupes du chocolat et de la pâte. Ce sera plus amusant pour toi. Moi je vais faire la crème au beurre pour mettre au dessus, c'est ce que je préfère faire. Puis pour le fourrer... Ben on verra ça ensemble parce-que j'ai jamais fait ça encore...

    Elle plaça le livre entre eux deux.

    - Tu penses que tu arriveras à suivre la recette ? Il n'y a aucun piège. Casser des oeufs, touiller la farine, ajouter le sucre... C'est pas trop fatiguant pour la petite cervelle de monsieur ?

    Elle se mit à rire et le poussant doucement avec ses fesses. Elle lui prépara tous les ingrédients nécessaires à la pâte de base et les ustensiles dont il aurait besoin.

    - Bon. Tu vas mesurer dans ce pot la farine et le sucre. Séparément hein. Puis tu vas peser le beurre sur la balance. Ensuite, tu devras mélanger tout dans ce plat. Tu lis bien la recette dans l'ordre sinon tu vas te perdre... Et puis j'épargne tes petits bras, j'ai un batteur électrique. Il te suffira d'appuyer sur ce bouton -elle le lui désigna, et de regarder ta montre. Pour le chocolat, tu le mets fondre au bain Marie le temps qu'il faut. Je le surveillerai avec toi.

    Il voulait apprendre, non ? C'était ce qu'elle faisait. Elle prenait le temps de bien articuler, de ne pas parler trop vite pour qu'il assimile tout. Elle détestait que ce soit la panique en cuisine et malheureusement pour lui, il n'avait pas choisi le cupcake de base, simple et rapide. Il fallait être précis en pâtisserie, pour les quantités, les temps de cuisson, les textures...

    - Moi je vais faire deux crèmes. Une au choco et une à la fraise, comme ça on aura des choco-fraise et des choco-choco, elle émit un petit rire.

    Elle se sentait un peu mieux que tout à l'heure car leur activité lui demandait une certaine concentration. Mais qu'en serait-il une fois qu'il aurait passé la porte et qu'elle observerait les cupcakes sur la table ? Il lui manquerait forcément et peut-être que la rancoeur se ferait sentir.
    Elle entama alors la première crème au beurre à la fraise, pesant, dosant, touillant, goûtant même par moments pour s'assurer que tout se passait comme il le fallait. Elle avait placé le chocolat à fondre au bain Marie. Elle était persuadée qu'Andrew entendait un chinois parler quand on prononçait ce genre de terme. Elle jetait un petit coup d'oeil de temps à autres, au cas où il aurait besoin d'aide.

    - Hey Andy...

    Elle attendit qu'il se retourne et lui barbouilla la joue avec un peu de crème rose, dans un éclat de rire. Elle s'apprêtait aux représailles mais elle s'en fichait. Il ne fallait pas rater les gâteaux mais il ne fallait pas non plus en faire quelque chose de chiant. Tout de suite, elle se jeta à son cou pour lui retirer la pâte d'un grand coup de langue.

    - C'est mieux ça que de te casser un oeuf dans les cheveux, babou !

    Elle fourra son petit nez dans la pâte de son ami, elle semblait plutôt réussie et bien lisse. Elle applaudit sans ajouter un mot et entama la seconde crème au chocolat. Elle s'affairait gentiment, sortant les petit moules à cupcakes, les différentes décorations, etc.

    - Tiens, goûtes pour voir ! Dit-elle en tendant son doigt rempli de chocolat bien frais, destiné à recouvrir certains petits gâteaux. Elle lui passa sous le nez, attendant qu'il déguste. Et après, je te laisse mettre ta pâte dans les petits moules, c'est simple à faire je crois.

    Différents petits ronds de silicone étaient posés devant eux, de toutes les couleurs pour ne pas dénoter à la décoration générale. Aussi, des pots contenant des petits coeurs en sucre, des billes argentées, des bonshommes en gélatine et encore tant d'autres choses que personne n'aurait imaginé pouvoir manger.

    - Oh tu me fais penser... Une fois qu'ils seront au four, tu pourras aller dans ma chambre. Il y a des caisses remplies de vêtements qui t'attendent. Tu choisis ce que tu veux. Fais juste attention de ne pas te tromper entre les hommes et les femmes, hein...

    Elle le regarda d'un petit air malicieux et mit préchauffer le four. Ensuite, elle s'arma d'une seringue et la remplit de chocolat. C'était de cette façon qu'il fallait fourrer les gâteaux mais seulement après la cuisson, quand ils seraient encore chauds et un peu mou en dedans. Elle laisserait celle jolie tâche à son ami, fervent de devenir un pâtissier hors pair.

    - Ils doivent cuir quarante minutes, tu auras le temps de choisir quelques affaire d'ici là, non ?

    Ensemble, ils enfournèrent les pâtisseries, minuterie à 40 minutes. Tatiana débarrassa quelque peu la cuisine pour s'alléger du travail. Déjà, son humeur commençait à retomber. Elle passait lentement dans une sorte de mutisme qu'elle ne soupçonnait pas. Elle était passée plusieurs fois de la joie à la tristesse cette dernière heure et ses émotions ne cessaient de jouer aux montagnes russes. Ses pensées l'envahissaient discrètement, petit à petit sous le regard innocent d'Andy. Elle frottait les meubles en silence, le regard concentré. Sauf qu'il se concentrait sur son fort intérieur et non pas sur la saleté qui devait disparaître. Elle n'avait plus envie de rire, plus envie d'aimer et d'être gentille. Elle voulait qu'on la laisse tranquille, qu'on cesse de l'ennuyer avec des situations abracadabrantes, qu'on arrête de la distraire dans ses activités, au fond bien plus importantes que les hommes, que l'amour et la haine. Le bonheur était éphémère pour Tatiana et elle se demandait de plus en plus si elle n'aurait pas mieux fait de ne se faire aucun ami à Thunder Bay. Et surtout pas un ami comme Andrew Seamore, un peu trop mal dans ses baskets que pour en plus, en faire payer son entourage. Il n'était pas seul pour rien, au final ? Pourquoi était-elle encore là pour lui ? Pourquoi cette vie, ce destin l'avait amenée ici, dans cette cuisine avec un homme un peu trop fou pour s'assumer pleinement. « Réveilles-toi » pensa-t-elle, sans pour autant qu'il ait eu un geste déplacé ou une parole de travers. Elle commençait à perdre les pédales, prises entre deux feux.
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E. Andrew Seamore

E. Andrew Seamore

♠ AGE : 38
♠ COPYRIGHT : Law S/Noir Strider.
♠ STATUT SOCIAL : Célibataire.
♠ EMPLOI/LOISIRS : Étudiant en médecine, 9ème année.


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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeSam 9 Juin - 23:04

I'm picky 'cause I'm all alone
Or maybe I'm alone 'cause I'm a picky one

Les pâtisseries, cela devait faire une éternité qu'Andrew n'en avait plus fait. Aussi bon en cuisine soit-il, il s'était retrouvé face à quelque chose de parfaitement nouveau étant donné que sa seule expérience avec des cupcakes ressemblait davantage à Tchernobyl qu'à une fournée de petits gâteaux mignons. La joue collante et les sourcils froncés par la concentration, il jeta un regard approbateur à Tatiana lorsqu'elle enfourna les gâteaux. Les petits trucs colorés et adorables, c'était la spécialité de son amie, lui se contenterait des plats improbables. Regagné par un sourire mesquin, il avait semblé soudainement libéré d'une ambiance trop difficile pour sa personnalité d'éternel fugitif, de menteur invétéré, et il s'était étrangement senti de nouveau dans son élément en se rendant compte que Tatiana ne reviendrait pas sur le sujet précédent. Mains lavées et joue nettoyée, il prit le chemin de la chambre d'un pas léger, sans même effleurer de l'esprit l'atmosphère qui se retendait en des situations gênantes — il passait au travers, tout simplement. Conforté dans l'idée d'être à l'abri d'une ambiguïté qui lui courait après, il farfouilla négligemment dans les cartons à la recherche d'un éventuel coup de cœur — il fallait dire que ça devait faire trois ou quatre ans qu'il n'avait pas fait ce qui est communément appelé « shopping » par manque de temps, d'intérêt, et d'argent. Tatiana lui ayant gentiment proposé par sms, il aurait été stupide de refuser maintenant, et, prêtant davantage attention aux tissus dans lesquels il était enfoui jusqu'aux coudes, il finit par tirer une flopée d'écharpes aux motifs et aux couleurs variées, l'air manifestement épaté de sa trouvaille. Oui parce que oui, les hommes normaux collectionnent les montres, les parfums, les cravates ou encore les petites voitures — certes, de façon ridicule. Andrew Seamore collectionne les écharpes. Ça suffit maintenant, arrêtez de vous moquer. Entendant le cri déchirant de son porte-feuille, il se résolut à n'en mettre que deux de côtés et retourna dans sa quête. Les gens fauchés doivent se résoudre à faire des sacrifices.
    — Tu sais, commenta-t-il en mettant d'autres vêtements de côté, quand bien même 80% de ton stock ne correspond pas à mon style — enfin aux trucs que j'achète parce que je sais pas si je peux appeler ça un style — je trouve que ça a quand même vachement de gueule. Tu t'es bien débrouillée pour le coup. Du coup, je vais sûrement te dévaliser des 20% restants, tu permets ? Il hésita un peu. Enfin quand mon compte en banque arrêtera de vouloir se faire harakiri... Je dévaliserai les 20% quand ton magasin sera ouvert, je devrai être payé d'ici là... Ouaip', normalement je pourrai tout claquer et me plaindre jusqu'au mois d'après.
Esquissant un sourire calme, il ramassa le petit tas de vêtements à ses côtés et farfouilla dans son porte-feuille à la recherche de quelques billets. Il avait déjà prévenu Tatiana qu'il serait inutile de lui faire le plan du « Non t'es mon ami alors je te l'offre, je vais vendre ma maison, c'est pas grave » et il lui rappela d'un regard lorsqu'il glissa l'argent dans ses mains. Le contact lui paru étrange, comme le réveil d'une ambiguïté constante, et il hésita un instant avant de se rendre compte qu'il avait l'air parfaitement ridicule à la fixer comme ça. Il avait senti comme une chose à ne pas faire cet échange pourtant parfaitement ordinaire, il avait ressenti son geste comme quelque chose de faux, quelque chose de mauvais, quelque chose qu'il ne voulait plus. La peau de Tatiana était brûlante si ce n'était le fait que la sienne soit gelée, et la différence alors qu'il s'était contenter de l'effleurer dans un mouvement pourtant sans conséquences l'avait, pour ainsi dire, parfaitement rebuté. Il ne voulait plus que ça arrive, tout simplement. Changer de sujet. Oublier. Éviter. Il avait rempli son quota de choses trop sérieuses pour l'année à venir. Glissant ses mains dans les étoffes et visiblement fasciné par les deux écharpes qu'il avait récupéré — on ne se refait pas, écoutez —, il essayait, au final, d'estomper cette menace qui grondait derrière lui, comme un retour de flammes d'une situation où il ne voulait plus mettre les pieds. Mais il faut pourtant tirer ça au clair, Andrew, mais il faut pourtant mettre ça à plat, une bonne fois pour toute, une fois avant tout. Il faut, pourtant, malheureusement, tirer des conclusions, accepter le destin. Il faut réfléchir. Cesser de jouer l'ignorant. Cesser de jouer avec le feu. Cesser de jouer. Tout simplement. Ses sourcils se creusèrent brièvement en un pli soucieux, comme un passage à vide. Il fallait chasser cette noirceur, il fallait cesser d'être si transparent. Jouer le niais. Simplement. D'un geste rapide, il passa une des écharpes autour de son cou, les doigts glissés entre les pans cobalt,
    — Tiens ! Ça me va bien, non ? Bon, je suis pas sûr que le bleu soit ma couleur, mais... Je la trouve plutôt cool. Et puis c'est tout doux. Il frotta bêtement sa joue contre le tissu.J'aime bien quand c'est doux. J'en avais une il y a deux-trois ans qui piquait comme pas possible, dans le genre « couette de mon arrière-grand-mère avec poils de chat incontinent en prime », elle tenait chaud mais c'était insupportable.
Il lui lança un sourire en coin en essayant patiemment une veste qu'il avait pioché au hasard. Dans laquelle il ne rentra pas. Pas du tout. Lâchant un plaintif « Je suis groooos », il finit par trouver la taille au-dessus — toutefois ponctué par un nouveau « Je suis obèse » et autres joyeusetés — et plia les habits d'une façon relativement improbable sur le lit. Convaincu d'avoir créer une œuvre d'art, il lança un regard presque fier à Tatiana avant d'éviter un fou rire.
    — Je crois que c'est écrit sur mon front que j'ai mis deux mois avant d'apprendre à me servir de ma machine à laver. J'ai jamais été foutu de plier ces conneries correctement alors ma grand-mère a désespéré et m'a montré ça. Du coup c'est ridicule, mais ça fait moins de pli. Il paraît. Il lui lança un sourire amusé. Enfin au moins je sais faire la cuisine, hein ? Je suis parfait, mais pas tout à fait.
Silence. C'était pesant, de devoir combler ce vide, de toujours chercher à ne pas laisser ce manque de vie s'installer. C'était épuisant, au fond, c'était vraiment dérangeant. Quarante minutes. Quarante minutes à trouver de quoi argumenter, de quoi perdre un peu de temps, de quoi gaspiller un peu de ces précieux moments. Il en avait déjà sacrifié vingt, comment continuer sur cette lignée ? Il semblait être un funambule, déambulant sur son fil, dérapant sur son malaise, prudemment, chercher à atteindre l'autre bout sans rater, sans tomber, à s'en sortir indemne de tous ces risques dans lesquels il ballotait tout le temps. Il était au milieu du chemin et déjà, il se sentait vaciller. Trouver. N'importe quoi, mais trouver. Cesser de la fixer bêtement, arrêter de sourire aussi faussement. Parler. Mais dis quelque chose ! Parle ! Parle !
    — Euh.
Brillant. Il se mordit vaguement les lèvres. Con ! C'était purement, simplement, magnifiquement con. Il leva aussitôt les yeux de peur qu'elle y lise quoique ce soit, discrètement, il feinta une simple inspection des lieux. Con. Il n'y a pas d'autres mots. Complètement, totalement, définitivement profondément con !
    — C'est. Sympa de m'avoir filé des fringues. Et de m'avoir invité. Aussi. Enfin. Voilà quoi. De m'avoir invité après ça. Enfin je vais pas partir hein, c'est juste pour. Ben pour dire quoi... Silence. Parce que je pense qu'on te le dit pas souvent. Enfin, pas assez. Il lui lança un sourire un peu crispé. Que je te le dis pas assez.
Bordel.
Le temps va être long. Il finit par vaguement froncer les sourcils. Soupirer. La regarder. Enfin. Merde à tout ça.
    — Écoute non tu sais quoi j'en ai vraiment ma claque des situations ambiguës. C'est pas contre toi, c'est pas de ta faute, concrètement t'y es même pas pour grand chose mais non vraiment j'en ai ras-le-bol. Alors on va s'asseoir, on va parler, je vais dire des conneries, on ira manger des putains de gâteaux et ça sera tout. Ça sera comme d'habitude, ou au contraire tu ne voudras plus jamais me revoir mais non je refuse de rester dans une ambiance pareille, j'en ai assez bouffé.
Le ton avait été nettement plus froid, sans violence et pourtant tellement piquant, tellement moins « Andy », tellement plus « Andrew », le vrai, le caché, l'épargné. Celui qui se tait un peu trop, celui qui survit assez mal. Les mots avaient semblés presque amers, presque acerbes, dans la bouche de celui qui se voulait ignorant, de celui qui se voulait fuyant, de celui qui se voulait fui. Il avait regretté, pourtant, un peu après, avec un peu de recul, ces phrases trop sèches, cette situation dans laquelle il avait plongé tête baissée. Il était tombé de son fil, et il savait pertinemment que Tatiana le laisserait tomber. Une bonne fois pour toute, sens propre et figuré. Elle n'était pas idiote, il ne lui souhaitait pas. Elle l'avait déjà pardonné une fois, pourquoi deux ? Au fond, pourquoi lui ? Il n'avait pas grand chose de si unique, au fond, tout du moins, pas quelque chose de positif. Il manquait cruellement de qualité. C'est un fait. Il avait demandé, quelques fois, pour s'amuser. Intelligent. Écoutant. Et après c'est tout. Et après c'est le vide. Non, au fond, c'était juste une foutue passade, c'était sûrement juste un peu de doute, certainement quelques hésitations. Rien de plus. Il se contenta de joindre les mains, les sourcils haussés, apaisés par une amertume stupide. Il acceptait son destin d'homme con. Chacun sa voie.
    — Bon, maintenant je crois que c'est officiel, je suis bon pour la gifle, je ne ferais que tendre l'autre joue. Je reconnais que c'était totalement stupide, parfaitement irrationnel, extrêmement désagréable, je reconnais que c'était absurde et vraiment très mal venu de ma part puisque c'est présentement moi qui me suis fourré tout seul dans cette situation.
Étrangement, il se sentait calme. Parfaitement paisible. Bizarrement, il se sentait presque soulagé. Mais soulagé de quoi ? D'elle ? De cette situation insoutenable ? Des quelques trucs en bordel dans sa tête ? De rien, de tout à la fois ?
    — Voilà voilà. J'ai eu la réaction la plus conne du monde. Je m'applaudirai presque. Gloire à moi. Fin de l'histoire. Je fais quoi, je m'en vais, ou tu m'insultes un peu avant ? J'ai tout mon temps, au final. Je peux même attendre, si tu veux me faire avaler les cupcakes par les narines ou autres joyeusetés.
Putain de cerveau, putain de mots qui sortent tout seul, et putain de caractère à la con. Putain de mec détestable. Voilà ce que tu es, Andrew Seamore. Un putain de mec détestable. Inscrit dans tes gènes, on te l'a dit. Écrit dans ton ADN, que t'es si con. Fin de l'histoire.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeDim 17 Juin - 12:32

    Les écharpes. Andrew adorait les écharpes et Tatiana le savait bien. Si on voulait faire le meilleur cadeau du monde à ce garçon, il fallait lui offrir une écharpe. Elle ne savait pas combien il en avait dans son placard, mais elle misait facilement sur une petite dizaine. Douze maintenant qu'il en avait choisies de nouvelles. D'ailleurs, elle avait parfois trouvé l'inspiration chez lui pour en dessiner de nouvelles. Certes, elles se ressemblaient toutes mais justement, ces motifs récurrents chez le jeune homme avaient poussé la jeune styliste à innover. Malgré l'humeur massacrante qui lui pendait au bout des lèvres, son esprit sourit de voir qu'il avait tout de suite cherché après cet accessoire. Posée sur le lit, l'air de rien, l'air tout naturel, l'air de dire « Il n'y a que ça qui lui plait, sorry ».

    — Tu sais, quand bien même 80% de ton stock ne correspond pas à mon style — enfin aux trucs que j'achète parce que je sais pas si je peux appeler ça un style — je trouve que ça a quand même vachement de gueule. Tu t'es bien débrouillée pour le coup. Du coup, je vais sûrement te dévaliser des 20% restants, tu permets ? Enfin quand mon compte en banque arrêtera de vouloir se faire harakiri... Je dévaliserai les 20% quand ton magasin sera ouvert, je devrai être payé d'ici là... Ouaip', normalement je pourrai tout claquer et me plaindre jusqu'au mois d'après.

    Elle le remercia d'un hôchement de tête, accoudée sur l'encadrement de la porte. Elle attendait qu'il se décide à choisir autre chose. Son métier prit le dessus et elle sentit l'envie de choisir elle-même de quoi l'habiller et de le faire défiler dans sa petite chambre. Seulement, il n'aimerait pas ça et elle ne voulait pas lui imposer un style trop différent du sien. Pourtant, elle avait une multitude d'idées à lui proposer. Elle avait, certes des tons flashs, des coupes tendances, des habits un peu trop rock'n'roll pour le jeune homme, mais elle avait également une série un peu plus classique, un peu plus terne sans pourtant être moche ou démodée. Elle avait misé gros sur cette collection puisqu'elle devrait la produire en plusieurs exemplaires et les vendre pendant une longue période. Il fallait donc que cela puisse plaire à une majorité de gens, à des styles différents, des personnes de tous les horizons et de toutes les classes sociales. En devenant styliste, elle avait surtout voulu donner un aspect neuf et provoquant à la mode mais surtout rendre de beaux habits tendances à prix accessibles. Certes, il y avait des vêtements hors de prix dans sa collection, mais ceux-là étaient alors faits avec des matériaux plus particuliers ou avaient demandés plus de temps à la création et à la réalisation. Il fallait bien amortir les coûts de base, la main d'oeuvre, le temps passé à dessiner, à créer, à remodeler, tout en se faisant un bénéfice. Ces vêtements là étaient alors souvent réservés à une classe sociale distinguée ou aux défilés de mode, voire aux shootings de personnes « people ». Le positif de la chose était également qu'elle louait ses plus belles et ses plus chères tenues. Ainsi, elle les récupérait en bon état et se faisait de l'argent plusieurs fois sur le même modèle. C'était comme ça que ça tournait, comme ça qu'elle pouvait se permettre de vivre de sa passion.

    Tandis qu'elle était encore perdue dans ses pensées, elle sentit la main de son ami frôler la sienne, lui déposant quelques billets pour l'écharpe qu'il venait de choisir. Elle les prit sans vraiment se rendre compte de la chose. Elle resta surtout bloquée sur leur contact. Ce contact qu'Andy avait semblé éviter par dessus tout, ce contact qui avait semblé le brûler, le gêner, comme toujours. Elle fourra les billets dans sa poche d'un petit air agacé, l'air de dire « T'es bête de me payer ». Elle ne releva pas le mot, sachant qu'il allait insister encore et encore et qu'ils avaient passé un accord pour qu'elle le laisse payer au prix de base, sans les bénéfices. De plus, il n'avait pas choisi l'écharpe la moins chère et ça lui faisait mal au coeur de devoir le faire payer.

    - Tiens ! Ça me va bien, non ? Bon, je suis pas sûr que le bleu soit ma couleur, mais... Je la trouve plutôt cool. Et puis c'est tout doux. Il frotta bêtement sa joue contre le tissu.J'aime bien quand c'est doux. J'en avais une il y a deux-trois ans qui piquait comme pas possible, dans le genre « couette de mon arrière-grand-mère avec poils de chat incontinent en prime », elle tenait chaud mais c'était insupportable.

    Contrairement à ce qu'il pensait, le bleu lui allait bien. Tat' avait plutôt l'habitude de le voir avec des couleurs différentes, plus discrètes, plus dans les tons de brun ou beige. Mais le bleu passait partout de nos jours et si elle lui trouvait de quoi l'assortir, ça irait encore mieux. C'est alors qu'elle le vit enfiler une veste un peu trop étroite pour lui. Malgré ses plaintes, il était loin d'être gros, juste pas doué pour choisir les bonnes tailles. De tout ça, elle s'en amusait, bien que son visage ne laisse rien paraitre d'amusant ou d'aimable. Son esprit riait mais tout le reste restait stoïque. Aucun mot n'était encore sorti de sa bouche depuis qu'ils étaient tous deux dans cette chambre. Andy faisait l'animation à lui seul et Tat', un peu ici, un peu ailleurs l'écoutait sans vraiment l'écouter. Elle était spectatrice de tout ce désordre bruyant. Elle se décida alors à bouger le petit doigt, lui saisissant quelques vêtements pour en faire une tenue. Un ou deux t-shirts ainsi qu'un ou deux pantalons. Un gilet, un blaser, un veston et la veste qu'il avait choisie, une taille au dessus.

    - Regarde. Si tu enfiles ce t-shirt, avec ce pantalon et ce gilet au dessus, ça devrait donner pas mal avec l'écharpe si tu veux la mettre. Mais ça va ben aussi si tu mets la veste quand il fait froid. C'est sobre et à la mode. Essaie.

    Elle avait opté pour un t-shirt beige avec un imprimé aux couleurs bleues et noires dessus, un pantalon en jean noir, coupe classique mais aux coutures modernes, avec les bords de poches délavés, comme usés. Par dessus, elle avait choisi un gilet beige légèrement plus foncé, tirant presque au brun avec les coutures de poches du même bleu que l'écharpe et le motif du t-shirt. Tout était assorti, classe et moderne. De quoi lui plaire, avec un peu de chance. De plus, elle avait choisi des modèles à prix raisonnables : 10$ le t-shirt, 20$ le gilet, 35$ le pantalon et la veste, un peu plus chère à 50$ qu'il pourrait éventuellement lui payer plus tard. Elle pouvait même lui trouver de nouvelles chaussures à mettre avec beaucoup plus de tenues que celle-ci.

    - C'est. Sympa de m'avoir filé des fringues. Et de m'avoir invité. Aussi. Enfin. Voilà quoi. De m'avoir invité après ça. Enfin je vais pas partir hein, c'est juste pour. Ben pour dire quoi... Parce que je pense qu'on te le dit pas souvent. Enfin, pas assez. Que je te le dis pas assez.

    Face à lui, debout avec les habits à la main, elle le regardait, hôchant la tête, toujours sceptique et à moitié en colère. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle ressentait à vrai dire. Elle n'était même pas certaine du pourquoi de son humeur. Ça remontait, ça retombait. Elle l'aimait, elle le détestait. Elle avait envie de lui raconter sa vie, elle voulait l'éviter. Elle voulait le prendre dans ses bras, elle ne voulait le repousser. Jamais elle n'avait ressenti de telles sautes d'humeurs avant, hors mis quand elle se droguait. Elle réglait ça rapidement en prenant ce dont elle avait besoin, à l'époque. C'était le manque qui la rendait comme ça, c'était simple, la solution était toute trouvée. Mais aujourd'hui, elle ne pouvait plus régler ça comme ça. Elle ne pouvait plus fuir la vie, fuir ses sentiments, son coeur. Elle ne pouvait plus, d'un coup de narine, oublier les problèmes, les envies, les douleurs qui la rendaient lunatique. Aujourd'hui, elle devait faire face mais elle ne savait pas comment faire puisque c'était une chose qu'on ne lui avait jamais apprise. Une chose nouvelle, l'inconnu dont elle avait peur. Si elle se cachait sous des conversations futiles, des sourires provocateurs avec Andrew, c'était pour ça. Parce-qu'elle ne savait pas comment faire, comment faire autrement. Aussi, elle n'avait plus vraiment eu de sentiments ni d'envie de sentiments depuis cette époque qu'elle préférait mettre de côté dans sa mémoire. Elle savait qu'elle n'était pas amoureuse de lui mais elle ressentait cette sorte d'évidence qu'il n'avait pas voulu accepter ni comprendre. Elle savait qu'elle allait droit dans le mur alors lui répéter, en reparler, tout ça ne servait à rien. Elle connaissait la décision, elle connaissait la vie de son ami, elle connaissait à moitié les raisons qui le poussait à réagir comme ça. Elle savait aussi tout simplement qu'il ne l'aimait pas. Pas comme ça. Une part d'elle se disait qu'il ne se rendait tout simplement pas encore compte de l'évidence entre eux. Ou même qu'il se voilait la face. Et puis parfois, elle perdait pieds et se disait bien qu'elle espérait un peu n'importe quoi, qu'il était assez grand et assez intelligent pour savoir ce qu'il ressentait vraiment. Et c'était tout sauf de l'amour ou de l'envie d'être avec elle. Et soudain, la situation prit un autre tournant. Andrew se réveilla, il sortit de son espèce de léthargie sympathique pour se révéler beaucoup plus sec, beaucoup plus homme, beaucoup plus vrai. Le ton monta et la violence de ses mots n'eut jamais été plus forte.

    - Écoute non tu sais quoi j'en ai vraiment ma claque des situations ambiguës. C'est pas contre toi, c'est pas de ta faute, concrètement t'y es même pas pour grand chose mais non vraiment j'en ai ras-le-bol. Alors on va s'asseoir, on va parler, je vais dire des conneries, on ira manger des putains de gâteaux et ça sera tout. Ça sera comme d'habitude, ou au contraire tu ne voudras plus jamais me revoir mais non je refuse de rester dans une ambiance pareille, j'en ai assez bouffé.

    Choquée et surprise par de tels mots, mais surtout par la manière dont ils avaient été dit, elle avait été partagée entre la peur, comme quelques heures plus tôt, et simplement l'effet paralysant de la surprise. Alors elle s'était assise sur le bord du lit, comme il l'avait demandé. Elle l'avait écouté parler, avec de grands yeux, sans pouvoir les détacher du visage d'Andy, remplis d'expressions qu'elle n'avait jamais vu chez lui auparavant. Il avait l'air en colère, ses traits se faisaient et se défaisaient au fil des mots, ses lèvres s'ouvraient et se refermaient rapidement et surtout, le son de sa voix, complètement différent et plein de haine. Elle entendait bien le ras-le-bol, elle entendait bien la douleur malgré tout ça. Mais elle avait du mal à comprendre le pourquoi. Oui, elle ne s'était pas montrée très aimable avec lui ces dernières minutes, mais elle avait préféré se taire, rester neutre plutôt que de lui parler mal ou de lui lancer encore des tas de reproches à la figure. En effet, il avait assez bouffé mais pas non plus au point de lui parler comme ça, comme si elle le maltraitait depuis des années, comme si elle le prenait pour son chien, pour la dernière des merdes. Elle avait toujours été un ange avec lui et il n'avait pas de raison d'en arriver là. Il pouvait très bien exprimer son ras-le-bol d'une autre manière, sans crier, sans violence, sans la blesser. Il pouvait très bien s'asseoir tous les deux autour d'un thé et s'écouter parler, pleurer même s'il fallait. Pourquoi toujours péter les plombs pour pouvoir s'expliquer ? Elle sentit à la fois la colère monter, et la tristesse. Sans oublier les résidus de la peur qui te rendent faible, les jambes flageolantes et l'envie de pleurer. De pleurer sans cesse, jusqu'à ne plus avoir de larmes. Les membres tremblants, le souffle haletant et la voix saccadée.

    Quelques secondes de silence, elle baissa le visage sur ses doigts fins, ses cheveux venant cacher ses traits. Que dire à ça ? Elle avait peur de remettre de l'huile sur le feu et de provoquer une grave dispute. Elle détestait par dessus tout les disputes, elle craignait les disputes. Elle aurait pourtant vraiment aimé lui retourner une claque, oh ça oui. Mais ça aurait changé quoi ? Rien. Elle aurait réagi de la façon la plus nulle du monde, reproduisant ce qu'elle avait toujours détesté chez Kurtis et chez les gens en général. Elle se serait mis au même niveau que tous les gens méprisables de cette planète. Alors elle n'osait pas. Elle n'osait pas perdre Andy, elle n'osait pas dire quoi que ce soit, de bien ou de mal. Même pas un petit « pardon ». Elle ne pu parler, de peur et aussi car sa gorge se nouait de plus en plus. Les larmes ne tardèrent pas à arriver. Un tout. C'est un tout qui la fit pleurer. A la fois la situation délicate qui s'était installée entre eux, mais aussi tout ce qu'il venait de dire. Enfin, la façon dont il s'y était pris. Elle n'avait pas souhaité ça.

    - Bon, maintenant je crois que c'est officiel, je suis bon pour la gifle, je ne ferais que tendre l'autre joue. Je reconnais que c'était totalement stupide, parfaitement irrationnel, extrêmement désagréable, je reconnais que c'était absurde et vraiment très mal venu de ma part puisque c'est présentement moi qui me suis fourré tout seul dans cette situation. Voilà voilà. J'ai eu la réaction la plus conne du monde. Je m'applaudirai presque. Gloire à moi. Fin de l'histoire. Je fais quoi, je m'en vais, ou tu m'insultes un peu avant ? J'ai tout mon temps, au final. Je peux même attendre, si tu veux me faire avaler les cupcakes par les narines ou autres joyeusetés.

    Elle était partagée entre l'envie de sécher ses joues, de lui dire « Allons manger » et, une fois de plus, nier la chose, laisser le temps et les émotions passer, au risque de reproduire le même scénario une prochaine fois. Ou alors de vraiment mettre tout à plat, de discuter profondément, des heures s'il le fallait, bien qu'elle connaisse le verdict, et de lui dire adieu. Elle prit son courage à deux mains et releva le visage, un peu honteuse de pleurer devant lui, de pleurer tout court.

    - Si tu l'as dit, c'est bien que tu le pensais. C'est trop facile de me faire du mal et de me parler comme à un chien pour ensuite te rétracter et dire que tu as été bête et que tu ne le pensais pas. Le mal est fait et il restera toujours en moi, je m'en souviendrai toujours en ayant mal. Tu connais le dicton « Le souvenir du bonheur n'est plus du bonheur, le souvenir de la douleur est de la douleur encore ». C'est totalement vrai et tu dois surement le savoir, monsieur l'écorché vif. Moi aussi, je peux te faire du mal et te dire des mots blessants. Tu pourras me faire croire que ça ne te touche pas et que tu es au dessus de tout ça, mais tu y repenseras tout seul chez toi et tu te mordras les doigts d'avoir fait du mal à la seule putain de conne de fille qui te supporte et t'accepte avec tes défauts à la con dont je me passerais volontiers ! Elle s'arrêta un instant, la boule dans sa gorge s'étant resserrée, l'empêchant de parler normalement. Elle inspira plusieurs fois pour atténuer les sanglots puis releva les yeux, franchement, vers le visage d'Andy. Ouais, tu mérites une baffe, mais si je fais ça, je m'abaisse à un niveau que je ne mérite pas, je m'abaisse à la violence et à la connerie humaine. Le jour où tu comprendras que je ne suis pas celle que tu crois, que je fais trop semblant devant toi, que je me tais juste pour te faire plaisir, juste pour espérer te voir heureux. Le jour où tu comprendras que je suis sûrement la seule personne à faire ça dans ton entourage, on verra bien ce que tu deviendras. Moi, ma vie elle continuera, avec ou sans toi. Ouais, j'aurais mal mais si tu continues, tu vas juste me perdre. Et quand on me perd, c'est pour toujours, tu devrais le savoir avec tout ce que je t'ai déjà raconté de ma vie. C'est ça que tu veux ? Me perdre ?

    Elle se releva, lui faisant face. Son ton était à mitigé. Parfois, quelques mots sortaient de façon plus intense, avec un débit plus rapide et la voix haute. Parfois, c'était plutôt un ton de tristesse et de déception.

    - Ouais, c'est ambigu entre nous, on est pas cons, on le voit très bien. Mais c'est comme ça, et au lieu de râler sur ça, au lieu de t'en plaindre et d'en faire encore un truc pour te morfondre et te torturer l'esprit, ben tu devrais faire quelque chose pour que ça change. En bien ou en mal. Te poser la question de pourquoi c'est ambigu, de qui a créé ça, de comment ça s'est fait. De réaliser si ça veut dire quelque chose ou non. Même si ça veut forcément dire un truc. De te demander si c'est parce-que je te plais, parce-que tu as juste besoin de tendresse, si c'est parce-que tu aimes jouer avec le feu, si c'est pour voir jusqu'où on peut aller ? C'est juste un jeu pour toi, pas vrai ? Je suis un jouet, le petit truc amusant de ta pauvre vie. Et ça t'amuse, t'adores ça. Et ben le jour où je serai plus là, bonne chance pour en trouver un neuf, de jouet, qui acceptera toute cette merde !

    Elle jeta les habits au sol et sorti de la chambre en furie afin d'aller s'essuyer les joues et se moucher. Elle s'enferma dans la petite toilette, le temps de laisser s'échapper quelques gros sanglots emprisonnés dans sa gorge. Elle tenta par tous les moyens de se calmer, du moins, de faire cesser les larmes qui avaient trop de fois coulé. Elle ne sortit de la pièce que cinq minutes après environs, cela ne servait à rien de le faire poireauter non plus. Est-ce qu'elle avait bien fait de dire tout ça ? Elle n'en savait rien, elle ne se posait pas encore la question. Elle avait juste exprimé une infime partie de ses ressentis, une toute petite partie d'elle et des questions qu'elle se posait à propos de ce garçon et de leur relation. Elle avait parlé sans réfléchir, les mots étaient venus tout seuls, c'était les premiers qui étaient sortis mais pourtant pas les plus importants.

    La sonnerie du four retentit et elle alla sortir le plat. Elle le posa sur le meuble, les laissant refroidir avant de revenir vers la chambre ou Andrew se trouvait encore.

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E. Andrew Seamore

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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeVen 22 Juin - 0:26

Un pas devant, deux pas derrière ;
C'est la seule danse que je connaisse

J'ai déjà donné. Pour tout ça, pour toutes ces histoires, tu as déjà donné, Andrew. C'est vrai, au fond, tu ne ressens pas le besoin de te sacrifier, tu ne vois pas l'utilité de te scarifier pour des personnes qui ne font que détourner les yeux des tiens. Tu pues l'égoïsme, tu empestes l'égocentrisme, et tu l'assumes pleinement, et tu le confesses, et tu le comprends. Elle pleure, elle, là, lasse, les larmes au fond de la gorge et la déception au bord des yeux, elle te foudroie de ses sanglots assassins, elle te crucifie sur place de son regard, et tu ne vois rien, et tu n'as jamais rien vu, au fond, que vois-tu ? Tu t'es voulu Œdipe, tu t'es crevé les yeux quand tu en as eu assez de la vérité, car, c'est un fait, Andrew, ne mens pas, ne le nie pas, ne le fuis pas — tu n'aimes pas la vérité. C'est un peu ton antimatière, ton antagoniste, c'est ton némésis à toi. Tu la fuis et tu la crains, tu t'y es fait sourd et aveugle et elle, elle te la pleure, elle te la verse sans réserve, et elle pointe du doigt ce que tu dissimulais dans l'ombre. Tu n'aimes pas la vérité, puisque tu sais qu'il n'y a qu'elle pour te faire tomber. Tu as été trop souvent sur le point de tout lâcher, sur le point de craquer — mais que te resterait-il ? C'est qu'au fond tu as pris le mensonge en affection juste pour le plaisir de te donner l'impression que tu n'étais pas si creux, qu'il y avait quelque chose d'un peu mieux chez toi. C'est qu'au fond tout ça tu le sais, de toute façon, c'est que tu ne fais que constater à quel point elle t'a poussé si près du gouffre, au bord du précipice, sans d'autre choix que d'y tomber.

Elle était partie, Tatiana, elle était partie, elle ne reviendrait jamais. Elle était partie, des larmes dans les yeux, des souvenirs dans la voix, et elle ne chercherait pas à le rattraper, elle n'en voyait pas l'utilité. Elle était décidée, au fond, qu'est-ce qui lui ferait bien changer d'avis ? Elle était partie et la pièce la ramenait pourtant encore à ses côtés, la culpabilité au fond du regard, elle était partie et pourtant la tempête continuait d'hurler dans la chambre. Andrew Seamore n'était pas censé culpabiliser, pourtant, il n'était pas censé regretter, il n'était pas censé vouloir s'excuser. Et pourtant c'était bien là, et pourtant c'était le cas — il s'en voulait. Il s'en voulait d'être celui qui ne s'attache pas, celui qui joue avec tout, celui qui se joue de tout, celui dont, au fond, c'était la nature d'être immanquablement détesté. Il avait toujours eu ce caractère éphémère dans la vie sociale des gens, ce rôle de Deus ex machina, celui qui permet de réaliser qu'il y a mieux qu'un autre, qu'il y a pire que soi. Il se contentait de son inconstance, il se complaisait dans son insignifiance — et puis elle était arrivée, elle, la bouche en cœur et les yeux en larmes, l'air de dire « J'ai besoin de toi », l'air de ne pas vouloir « en rester là ». Et puis elle était arrivée et si d'une part il se jurait de la faire fuir, l'autre lui ouvrait grand les bras. Et puis elle était arrivée et, a trop le percer des yeux, ce qui n'était auparavant qu'une infime fissure menaçait maintenant de faire voler en éclat toute sa vie. Au fond le problème c'était elle, au fond, la solution était là : ils devaient s'abandonner. Il aurait pu la laisser des milliards de fois et pourtant il n'avait jamais su, et pourtant il n'avait jamais pu ; mais maintenant qu'elle le haïssait, qu'est-ce qui l'en empêcherait ? Maintenant qu'elle savait quel connard il était, qu'est-ce qui le retiendrait ? La vérité était sous son nez et encore une fois, il détournait les yeux, et encore une fois, il ne voulait pas la voir, l'ignorer, la faire sortir de ses pensées. Il s'était nerveusement mordu les lèvres en fuyant du regard sa propre personne, et le cœur s'était serré, et les yeux s'étaient embués. Il savait pourquoi il ne pouvait pas. Il savait pourquoi et c'était précisément pourquoi il avait soudain semblé si fragile, trop fragile. Il savait pourquoi et c'était pourquoi il y avait eu cette vieille envie qui s'éveillait, et c'était pourquoi il lui avait fallu froncer les sourcils pour faire face, pour pouvoir fuir. Il ne voulait pas.

Inspirer. Expirer. Oublier. Il en était encore capable, n'est-ce pas ? Il pouvait encore mentir, il pouvait toujours feinter — au fond, c'était tout ce qu'il lui restait. Il ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle, pas ici, pas maintenant. Il ne pouvait pas se permettre de perdre la face devant elle, et c'était précisément pourquoi il avait l'air miraculeusement normal lorsqu'elle se glissa de nouveau dans la pièce, lorsqu'elle ramena son ouragan, lorsqu'elle rapporta sa tempête. Son regard pesait lourd et il avait juste haussé les sourcils, désespérément calme, infiniment naturel. Son regard pesait lourd et ça avait demandé un effort surhumain pour tout enterrer, pour, de nouveau, tout repousser, tout refouler, tout réfréner. Son regard pesait lourd et c'était pertinemment pourquoi en ouvrant la bouche il savait d'avance qu'il allait perdre.
    — Tu le savais, pourtant, non ? Que tu t'attaquais à un gros morceau. Je veux dire, certes, je dois avoir deux qualités pour une belle vingtaine de défauts, je l'admets, j'y consens, je le sais. Mais je veux dire. Tu trouves pas ça juste un peu facile comme solution ? Concrètement tu aurais très bien pu jouer l'ignorante, faire comme tout le monde, faire comme si de rien n'était. Tu aurais pu me haïr et oui ça aurait été merveilleusement mieux comme ça puisque ça nous aurait évité toutes ces situations ridicules. Puisque tu peux vivre sans moi alors pourquoi avoir essayé ? Je ne veux pas te perdre, non, c'est une putain de réalité, et Dieu sait combien ça peut m'emmerder, mais la question c'est, et toi, pourquoi est-ce que tu ne voudrais pas me perdre ? Je ne t'apporte rien, je n'apporte jamais rien qu'un peu d'assurance aux gens, alors oui, je me pose la question — si ça te fatigue tant, pourquoi continuer ? Je ne joue pas avec toi Tatiana et c'est d'ailleurs bien une des pires choses que j'ai jamais faites. J'ai voulu me convaincre qu'au fond j'étais peut-être pas si salaud, que j'étais peut-être capable de m'attacher, d'apprécier, d'assumer les responsabilités d'une vie sociale normale et que même toi ça ne finisse pas sur un « Je te déteste », que ça ne se termine pas sur un « Disparais » mais non ça m'aura au moins prouvé que je me suis bien planté. Alors, oui, Tatiana — pourquoi ?
Il avait cherché son regard alors qu'il ne retenait plus l'amertume pure qui se dessinait en un sourire, qui lui faisait hausser les sourcils, qui ponctuait ses phrases. Il avait cherché ses yeux et il ne savait même pas pourquoi ce besoin irrépressible de la regarder dans les yeux, de lui parler en face, alors qu'il passait son temps à détourner les yeux. Il avait aussitôt perdu ce calme qu'il s'était fabriqué, il avait laissé glisser de son visage le masque qu'il s'était confectionné depuis tant d'années. C'était perdu d'avance. C'était condamné dès le début. C'était vain. Tout simplement, vain de vouloir continuer de lui mentir. Pourquoi atteindre si vite ses limites ? C'était pitoyable, bon sang, il ne pouvait pas se le permettre. Il fallait étouffer, il fallait garder son calme. Il fallait se calmer. Il fallait se calmer. Ça semblait brutalement parfaitement insurmontable, ça lui avait soudainement l'air totalement infranchissable. Il le faisait pourtant tous les jours — alors pourquoi plus maintenant ? Parce que c'était la fin. Parce que c'était terminé. Ils en avaient terminé.
    — Qu'est-ce que tu veux que je te dise, au fond ? Le sourire avait disparu. Que je suis désolé ? Je le suis. Je le suis parce que je ne vois même pas pourquoi tu persistes à t'accrocher alors que ça n'en vaut strictement pas le coup. Je le suis parce que je ne comprends pas pourquoi après avoir vécu autant de trucs c'est finalement sur moi que tu te rabats. Ou sur Aber, puis sur moi ? Je ne sais pas, écoute, au fond, c'est toi, seulement toi, je ne devrai faire que regarder. Je suis désolé parce que je sais pertinemment que tu es déçue, que tu le seras encore et que tu continueras de l'être et que pourtant tu persistes à t'accrocher. Je suis désolé, parce que moi je n'ai pas ça. Parce que moi je ne sais pas faire ça. M'accrocher. J'ai pas été fait pour ça, j'ai pas été fait comme ça. Moi je ne peux... Je ne peux juste pas, tu vois ? La voix avait manqué de flancher au fond de sa gorge et, haussant les sourcils, il n'avait su qu'esquisser un sourire un peu éphémère, un peu faux, un peu vide. C'est pour ça que non, je ne vois définitivement pas l'utilité pour toi et moi, que oui, je pense qu'au fond, ça ne changerai pas grand chose. Tu comptes pour moi, c'est terrible, je crois que j'ai rarement apprécié autant quelqu'un, et tu sais quoi ? Je pense que c'est pire comme ça.
Je pense qu'avec moi, ça sera toujours pire.
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MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeVen 6 Juil - 10:48

    - Tu le savais, pourtant, non ? Que tu t'attaquais à un gros morceau. Je veux dire, certes, je dois avoir deux qualités pour une belle vingtaine de défauts, je l'admets, j'y consens, je le sais. Mais je veux dire. Tu trouves pas ça juste un peu facile comme solution ? Concrètement tu aurais très bien pu jouer l'ignorante, faire comme tout le monde, faire comme si de rien n'était. Tu aurais pu me haïr et oui ça aurait été merveilleusement mieux comme ça puisque ça nous aurait évité toutes ces situations ridicules. Puisque tu peux vivre sans moi alors pourquoi avoir essayé ? Je ne veux pas te perdre, non, c'est une putain de réalité, et Dieu sait combien ça peut m'emmerder, mais la question c'est, et toi, pourquoi est-ce que tu ne voudrais pas me perdre ? Je ne t'apporte rien, je n'apporte jamais rien qu'un peu d'assurance aux gens, alors oui, je me pose la question — si ça te fatigue tant, pourquoi continuer ? Je ne joue pas avec toi Tatiana et c'est d'ailleurs bien une des pires choses que j'ai jamais faites. J'ai voulu me convaincre qu'au fond j'étais peut-être pas si salaud, que j'étais peut-être capable de m'attacher, d'apprécier, d'assumer les responsabilités d'une vie sociale normale et que même toi ça ne finisse pas sur un « Je te déteste », que ça ne se termine pas sur un « Disparais » mais non ça m'aura au moins prouvé que je me suis bien planté. Alors, oui, Tatiana — pourquoi ?

    Pourquoi ? Se fichait-il d'elle une fois de plus ? Oh, Andrew. Tu n'y connais foutrement rien, toi, à tout ça. Non, tu ne sais pas que « pourquoi ? », ça ne se pose pas et que personne n'a jamais trouvé de réponse concrète et fondée à cette question. Tu ne sais pas que les sentiments ne se contrôlent pas, du moins pas ceux de l'amour. Tu es en train de dire toi-même que tu t'es attaché à elle sans le vouloir et tu lui demandes encore pourquoi elle t'aime. Elle n'en sait rien, elle ne sait même pas qu'elle n'en sait rien, d'ailleurs. Vous êtes deux ignorants. Et maladroits en plus de ça.

    Tatiana aurait pu se calmer et prendre le temps de lui expliquer ce qu'il lui apportait dans la vie. Elle aurait pu lui dire qu'il était son brin de folie dans sa vie de femme d'affaires sérieuse. Elle aurait pu lui dire que d'une simple caresse, il savait la rassurer et lui apporter la sérénité dont elle avait parfois besoin. Elle aurait pu lui dire qu'il était le seul à rester malgré tout. Malgré le travail, malgré son caractère de merde, sa folie, sa couleur, sa joie trop pesante, trop fatigante. Que le matin, avant même de penser à nourrir Waffel, c'était à lui qu'elle pensait. Elle aurait pu dire aussi qu'elle attendait impatiemment de le revoir, qu'elle ne pouvait s'empêcher de sourire en le voyant, qu'elle le trouvait non pas beau, mais tout bonnement irrésistible. Elle aurait pu également lui dire que voir « Andy chou » s'afficher sur son iphone était le seul truc palpitant de ses tristes journées, qui lui arrivait de dormir avec le coussin sur lequel il avait siesté, juste pour le sentir tout près un peu plus longtemps. Elle aurait pu expliquer comment elle adorait s'occuper de lui, lui amener des petits pains chauds le matin, le rhabiller, etc. Lui dire aussi que son célibat n'était pas tout à fait du au hasard. Oui, elle aurait pu lui dire tout ça et plein d'autre choses encore. Elle aurait aimé lui dire mais elle n'en fit rien, se contentant de le regarder, les yeux brouillés par les larmes et la tristesse.

    - Qu'est-ce que tu veux que je te dise, au fond ? Que je suis désolé ? Je le suis. Je le suis parce que je ne vois même pas pourquoi tu persistes à t'accrocher alors que ça n'en vaut strictement pas le coup. Je le suis parce que je ne comprends pas pourquoi après avoir vécu autant de trucs c'est finalement sur moi que tu te rabats. Ou sur Aber, puis sur moi ? Je ne sais pas, écoute, au fond, c'est toi, seulement toi, je ne devrai faire que regarder. Je suis désolé parce que je sais pertinemment que tu es déçue, que tu le seras encore et que tu continueras de l'être et que pourtant tu persistes à t'accrocher. Je suis désolé, parce que moi je n'ai pas ça. Parce que moi je ne sais pas faire ça. M'accrocher. J'ai pas été fait pour ça, j'ai pas été fait comme ça. Moi je ne peux... Je ne peux juste pas, tu vois ? C'est pour ça que non, je ne vois définitivement pas l'utilité pour toi et moi, que oui, je pense qu'au fond, ça ne changerai pas grand chose. Tu comptes pour moi, c'est terrible, je crois que j'ai rarement apprécié autant quelqu'un, et tu sais quoi ? Je pense que c'est pire comme ça.


    Ses paroles coulaient, et à la fois, tranchaient le coeur de de la jeune femme. Ca faisait mal, terriblement mal. Finalement, elle l'aimait beaucoup plus que ce qu'elle pensait. Finalement, comme lui, elle s'était beaucoup voilée la face. A l'instant même, Aber ne comptait plus, il était déjà loin. Très loin derrière. Elle ne parvenait même plus à se remémorer son visage. Seul Andrew comptait. Andrew et la douleur qui lui foudroyait la poitrine. Son coeur était si serré qu'elle ne le sentait plus battre. Sa respiration n'existait plus non plus. Respirait-elle au moins ? Ses yeux avaient quitté ceux d'Andy pour se fermer. Elle ne savait plus si les larmes coulaient ou s'il parlait encore. Elle ne savait plus rien sauf la douleur. Elle n'avait plus rien ressenti de tel depuis des années. Ni de bien, ni de mal. Elle avait oublié combien les hommes sont cruels une fois que l'on croit en eux. Elle avait oublié que dans sa vie, personne ne l'avait réellement aimée sauf son père. Sa mère l'assumait à peine et les hommes, soit ils la considéraient comme la bonne copine, soit comme la bonne à baiser. Elle se souvient aussi pourquoi elle avait touché à la drogue. Cette douleur, sous acide, elle n'existe pas, jamais. Elle se remémora un tas de choses passées en très peu de temps. Elle ignorait si au fond, les mots d'Andy n'avaient pas été plus blessants que tous les coups de Kurtis ? Car son ex avait atteint le physique, la surface, mais jamais le coeur. Andrew faisait tout le contraire.

    Elle n'avait pas la force de lui expliquer, encore une fois. Elle lui avait parlé d'elle cent fois. Elle lui avait dit son mode de fonctionnement, elle avait même tenté de lui apprendre des choses, mais il n'avait rien retenu, visiblement. Elle sortit de sa léthargie passagère et balança les bras, ses mains venant claquer sur ses hanches fines.

    - Et bah tu sais quoi ? Elle essuya ses yeux, récupérant son orgueil. Puisque tu ne m'apportes rien, que tu ne m'aimes pas, que tu ne m'aimeras jamais, que je ne suis pas assez bien pour toi, que j'ai ci ou ça en trop, que j'ai ci ou ça qui manque, que t'es inapte à être gentil une fois dans ta vie, que je te fais sûrement honte de moi et que tu m'autorises à peine à entrer chez toi, puisque je suis trop conne, que c'est ma faute et bien fait pour moi de ne pas savoir enfouir mes sentiments, d'être vraie avec toi -oh oui, quelle tare- et encore plein de choses, que tu as dites ou non, sans parler de celles que tu sous-entends et qui me rabaissent comme la dernière des merdes -ben oui, t'es tellement mieux toi- et ben tu veux vraiment savoir ?

    Elle le regarda d'un air furieux, déçu et dégoûté, mais aussi tellement triste, tellement suppliant, et tellement aimant.

    - Et ben casses-toi.

    Silence.

    - Ouais, casses-toi de chez moi. T'as rien à foutre ici. Et t'y remettras jamais les pieds parce-que je veux plus jamais te voir de ma vie.

    Elle aurait bien ajouté quelques chose comme « T'es qu'un con » mais elle ne le fit pas. Elle attendit simplement. Elle avait vraiment pensé tout ça sur le moment et elle avait vraiment envie qu'il parte, là tout de suite. Mais elle savait aussi que sa vie changerait une fois qu'il allait passer la porte. Elle savait que ses soirées se résumeraient désormais à : pleurer, avoir des remords de lui avoir parlé comme ça, avoir des regrets de ne pas lui avoir volé un baiser, celui qui, comme dans les films, ferait tout changer et rendrait l'autre complètement éperdu de vous. Balancer entre fierté et honte, entre soulagement et manque. Elle savait qu'elle ne cesserait pas de l'aimer. Pas de cette façon.

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E. Andrew Seamore

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Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Empty
MessageSujet: Re: Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Qu'on est bien seuls pour une fois, qu'on est bien partis pour une danse — Tatiana Icon_minitimeSam 7 Juil - 3:13

T'as la cohue moi je te laisse
Coller à ton cul d'autres amants l'âme en détresse

Elle se faisait sourde, Tatiana, elle se faisait sourde à ce trop plein qui gronde et qui déborde, à ce surplus qui menace et qui refait surface. Elle se faisait sourde, Tatiana, et c'était presque le déclic, et c'était ce qui l'avait définitivement fait détourner les yeux, ce qui l'avait définitivement poussé dans ses retranchements, repoussé au point de départ. Elle se faisait sourde, Tatiana, et c'est à ce moment là qu'Andrew n'avait rien su penser d'autre que « Je ne veux plus », que « Je ne peux plus ». Car il y avait des limites. Car il y avait toujours ces foutues limites, ce fichu point de non-retour, cette démarcation entre lui-même et tout le reste, entre lui-même et ses pensées. Elle se faisait sourde, Tatiana, une fois de plus, une fois de trop, et il n'avait que ces « trop » à la tête, parce que « trop c'est trop », parce que sans que jamais personne ne le voie « tu en fais trop ». Parce qu'il y a trop à évacuer. Toujours trop. Ça lui avait à peine effleuré l'esprit et il avait envoyé valser toutes les attentions, tous les moindres petits égards, toutes les moindres petites précautions, ça lui était à peine venu à l'esprit et il avait simplement froncé les sourcils, et il avait soudain semblé régresser de dix ans tant il avait l'effroyable impression de mener un dialogue de sourd avec son père, et il avait trop à dire, trop à penser, trop à faire comprendre. Trop pour lui. C'était trop pour lui.
    — Tu veux que je te dise, Tatiana ? Tu ne comprends foutrement rien. Tu ne vois rien et n'entends que ce que tu veux. J'ai fait des erreurs. Je le sais, je le reconnais, je m'en suis excusé. J'ai fait des erreurs et je l'ai regretté, et je le regrette toujours, et je sais que j'ai souvent merdé. Mais il faut tout de même pas se foutre de ma gueule. Cite-moi une seule putain de fois où j'ai dit que tu me faisais honte, où j'ai dit que j'étais mieux que toi, où j'ai suggéré que tout ceci est uniquement de ta faute. Cite-moi une seule fois où j'ai osé te considérer comme moins que rien.
Le regard s'était fait noir, un peu trop noir, de ce noir qu'il ne faisait plus, qu'il ne pensait plus jamais refaire de ce noir blessé, de ce noir incontrôlé, incontrôlable, de ce noir à demi-mots et à mi-chemin de l'abandon. Le regard s'était fait noir et il la foudroyait sur place, et, purement, simplement, il avait semblé la haïr à cet instant, il avait semblé profondément la détester de ne pas savoir écouter, d'elle aussi ne rien remarquer, égoïstement, d'elle aussi ne pas savoir faire attention. Il avait voulu faire des efforts. Il avait voulu, très fort, s'ouvrir à elle, s'approcher d'elle, et, comme d'habitude, elle ne l'avait même pas noté, elle n'avait même pas relevé, pire, encore, elle n'avait su que tout renverser, que tout changer, que tout comprendre à l'envers. Il avait voulu s'accrocher à elle et, comme d'habitude, elle avait simplement eu à détourner les yeux. C'était stupide. C'était une idée stupide. C'était définitivement, purement, simplement stupide de vouloir faire des efforts rien que pour elle, rien que pour quelqu'un. Il la foudroyait du regard, la crucifiait du regard, la surplombait du regard, il n'arrivait plus à voir plus loin que celle dont il ne voulait plus, celle qu'il ne voulait plus entendre, qu'il ne voulait plus écouter, dont il ne voulait plus entendre parler, celle qu'il voulait oublier. Il la laisserait. Il ne le regretterait pas. Il ne regrettait jamais.
    — Tu sais quoi. Je suis un énorme menteur, je ne vaux pas un clou et j'ai peut-être une vie totalement vide mais toi, toi, là, maintenant, tout de suite, tu n'es pas mieux que moi. Je suis incapable de parler aux gens, je le dis, je suis parfaitement incapable de m'ouvrir aux gens, de me lier aux gens ; mais toi tu n'es même pas capable d'assumer un foutu chagrin d'amour, mais toi t'es juste même pas capable de. Je sais pas. Tu écoutes trop les gens qui te parlent pour ne rien dire. Tu fais trop attention à ce que tu devrais apprendre à ne pas entendre. Et pourtant, dès que tu vois quelque chose, tu détournes les yeux, et pourtant, tu tapes merveilleusement à côté, tu fermes les yeux, tu te bouches les oreilles, et pourtant tu fais comme moi, tu la fuis. Je suis peut-être le type qui a un truc qui ne tourne pas rond, mais toi tu es la fille qui refuse les mauvaises choses au mauvais moment et se morfond bêtement après.
Il s'en était voulu. Il s'en était voulu d'avoir seulement voulu s'attacher à elle, ne pas l'abandonner, ne pas la laisser tomber. Il s'en était voulu de ne pas l'avoir détestée plus tôt. Il s'en était voulu de ne pas savoir qu'il serait blessé, qu'il la blesserait, que ça serait toujours le même cercle vicieux qu'il haïssait, qu'il avait espéré ne plus jamais recroisé. Il s'en était voulu de ne pas savoir anticiper, d'avoir voulu « tenter », d'avoir seulement espéré changer. Connerie. Ce n'était qu'une belle connerie. Comme d'habitude. Comme toujours. C'était une belle connerie d'avoir voulu faire des efforts pour elle. Il s'était juré à dix-huit ans de ne jamais recommencer. Connerie d'avoir cru que ça avait changé depuis. Il reformulait ce souhait intérieurement. Connerie que de vouloir retenter.
    — Casse-toi.
Enfin.
    — Ouais, casse-toi de chez moi. T'as rien à foutre ici.
Tu peux partir.
    — Et t'y remettras jamais les pieds parce que je veux plus jamais te voir de ma vie.
Tu peux t'enfuir. Tu peux l'abandonner, l'oublier, la laisser tomber. Tu peux ne pas regretter. Tu peux ne pas t'en vouloir. Tu peux redevenir comme avant. Parfaitement comme avant. Tu peux redevenir libre, ça y est. Tu es libre. Tu peux reprendre ce train de vie tellement plat, tellement futile, tu peux reprendre cette vie vide de sens, vide d'intérêt, tu peux de nouveau te complaire dans cette platitude — tu n'aurais pas pu rêver mieux, n'est-ce pas ? Recommencer à oublier.
    Tant mieux. Ça m'épargnera tes conneries, ça m'épargnera tout un tas de conneries au final. Ça m'évitera de te supporter et, encore mieux, ça t'évitera de me supporter aussi. Je te rends tes fringues, tu peux garder l'argent, j'irai pas faire la manche auprès de toi. Comme quoi, au final, la solution était désespérément simple. Comme quoi, au final, cette issue était inévitable, au fond, je n'avais pas si tort que ça. Il haussa un sourcil en se rhabillant et, passant la porte, il lui lança un sourire acide. C'est juste que tu n'aurais pas supporté que ça soit moi qui te le dise.
Il haussa un sourcil et, la voix comme vide de tout remord, comme dépourvu tout entier du moindre ressentiment, il lui lança un signe de la main.
    — Au revoir, Tatiana Cuplle.
Tu n'aurais pas pu rêver mieux, n'est-ce pas ? Recommencer à nier.
Tu le savais. Ça finira sur un « Disparais ».
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